Les histoires vraies envahissent nos écrans et forcent le respect, même si le cinéma n’est pas toujours au rendez-vous. Avec Les Figures de l’ombre, on est comblé. À la fois devoir de mémoire et « feel good movie », le deuxième long-métrage de Theodore Melfi, coécrit avec Allison Schroeder d’après le livre de Margot Lee Shetterly, est une excellente surprise. Il raconte comment trois femmes, trois Afro-américaines, ont contribué, dans l’ombre, au premier vol orbital de John Glenn autour de la terre. En 1962, femme et noire, ça fait beaucoup de handicaps.
Il y a une énergie formidable dans cette histoire a priori si peu cinégénique : des femmes de tête, capables de résoudre des équations sur un tableau noir, waouh ! Tout le contexte de l’époque est magnifiquement rendu, costumes et décors, sans être envahissants, jouent leur part de glamour nostalgique. La course de vitesse avec l’Union Soviétique aussi. Tandis que les brimades et humiliations quotidiennes sont distillées sans cesse. Un exemple : une femme noire dans une salle emplie de mathématiciens mâles et blancs est forcément là pour faire le ménage. Un autre : lire un livre scientifique dans une bibliothèque municipale est interdit aux Noirs… Et que dire des toilettes pour gens de couleur situées à l’autre bout du bâtiment ? Les Figures de l’ombre fait passer le message, sans oublier de raconter un suspense dont on connaît la fin (oui, John Glenn a bien fait le voyage), mais qui reste constamment un enjeu et une envie de happy ending. Les comédiennes Taraji P. Henson, Octavia Spencer et Janelle Monae incarnent avec drôlerie, humilité et rage ce trio de femmes formidablement juste et attachant. Dans les seconds rôles, Kevin Costner prouve qu’il a encore de beaux jours devant lui. C’est du grand cinéma populaire, dont on ressort passionné, concerné, conquis.