La tenue exceptionnellement online cette année pour cause de pandémie, de « Music & cinéma » festival international du film d’Aubagne 2020, est un geste original et un beau signe de résistance que BANDE À PART souhaite soutenir et saluer ! L’équipe a ainsi sélectionné les meilleurs films programmés du 30 mars au 4 avril 2020 et chacun, confiné chez soi, a été heureux de participer aux festivités. Tous ensemble. Et découvrez le palmarès en bas de page !
Un fils de Mehdi M. Barsaoui (film d’ouverture)
Portrait en creux de la révolution tunisienne de 2011, Un fils suit de jeunes tunisiens riches et modernes pris dans le tourment d’une violence soudaine. Des dilemmes moraux (qu’est-ce que l’argent peut acheter ?) et le déchirement d’un couple donnent un vrai souffle à une intrigue qui reste malgré tout trop superficielle.
Pierre Charpilloz
Cinq mois après l’avoir visionné, Un fils conserve à l’esprit sa puissance de frappe. Le premier long-métrage de Mehdi M. Barsaoui impressionne par sa faculté à révéler l’inattendu et à laisser au silence l’accessoire.
Hélène Robert
En tensions et finesses, Un fils de Mehdi M. Barsaoui donne à assister aux déchirements d’un couple dans l’urgence au chevet de leur jeune garçon, en attente d’une greffe de foie. Le film décrit avec acuité le milieu bourgeois des protagonistes et un milieu médical exsangue, livré au trafic d’organes. La situation circonscrit aussi une vision incisive de la réalité des femmes en Tunisie qui n’ont pas le droit à disposer de leur corps : magnifiquement interprétée par Najla Ben Abdallah, cette dernière aurait mérité de remporter autant que Sami Bouajila, son impeccable partenaire, le prix d’interprétation à Venise Orizzonti. La musique inventive et très personnelle d’Amine Bouhafa, achève de nous convaincre de la belle facture générale de cette œuvre.
Olivier Bombarda
Sami Bouajila est épatant dans le rôle d’un père à la recherche d’un organe pour sauver son fils mourant. Dans son parcours du combattant, à lui seul il parvient à gérer la tension, l’émotion, le suspens de cette œuvre magistrale. Riche de ses plan-séquences, dans l’alternance entre les moments de pause et les instants violents, le film rappelle une autre production tunisienne récente, La belle et la meute, combat d’une femme contre ses agresseurs policiers. Après les forces de l’ordre, le costume est cette fois-ci celui des blouses blanches, dans un nouveau huis-clos étouffant.
Benoit Basirico
Lire aussi notre entretien avec le réalisateur Mehdi M. Barsaoui.
Patrick de Tim Mielants (Compétition)
Un camping naturiste figé dans les années 1970. Un grand naïf. Un marteau, étrangement disparu de son set. Mais où est donc passé le marteau de Patrick ? Avec son scénario bizarre sans pour autant être absurde, Patrick est un voyage dans une Flandre qui n’est pas sans évoquer celle de La Merditude des choses de Felix Van Groeningen (2009). Jouant des codes d’un univers beauf et suranné, Tim Mielants transforme son camping en empire où se trament des coups d’états et des jeux de pouvoir. Un peu long, Patrick brille surtout pour sa mise en scène, souvent très picturale, et sa musique, capable de transformer délicatement des bruits de bricolage en musique de chambre.
Pierre Charpilloz
C’est par son ton qui oscille fébrilement entre comédie grinçante et déraillements psychotiques terrorisants, que Patrick de Tim Mielants trouve sa voie. Plongé dans un camp naturiste de beaufs évitant toute caricature, le spectateur fait face au sérieux de l’intrigue, cette sorte d’« À la recherche du marteau perdu » s’avérant aussi suffocante que les images perpétuelles des corps nus et vieillissants de ses héros. L’esprit belge en bandoulière avec une attention soutenue aux cadres léchés en cinémascope, le film tient en haleine au gré de la figure emblématique de Patrick (Kevin Janssens, très enlaidi), idiot sacrificiel merveilleux, mi-autiste, mi-medium, dans une ambiance sonore tendue, enrichie par la musique originale discrète et très intéressante de Geert Hellings. Un bon moment.
Olivier Bombarda
La Danse du Serpent de Sofia Quiros Ubeda (hors compétition)
Dans un village des Caraïbes, le quotidien de Selva, qui partage sa vie d’ado entre ses amis et son grand père, touchant vieillard, maigre et timide. Quand la compagne de celui-ci, une alcoolique notoire mais néanmoins sympathique, disparaît, Selva commence à croire en la réincarnation. Naturaliste, émouvant et doux, La Danse du serpent (Caniza Negra) est une parenthèse teintée de réalisme magique.
Pierre Charpilloz
Kuessipan (Compétition)
Même si l’amitié et les relations sentimentales tissent l’intrigue de Kuessipan, le film de Myriam Verreault n’est pas un teen movie de plus. La Côte-Nord où l’histoire se déroule, au nord-est du Canada, est davantage le terrain d’un racisme et d’une méfiance entre Innus et Québecois qu’une carte postale de lune de miel. Pour le spectateur étranger, voilà l’occasion de découvrir le quotidien d’un peuple autochtone assigné à résidence. Mais surtout une chance de suivre Mikuan (interprétée par la plantureuse Sharon Fontaine-Ishpatao), écrivaine qui « voulait voir la beauté » et « la faire » : une héroïne subtilement caractérisée, pour qui l’absolu reste un horizon non négociable.
Hélène Robert
Binti (Compétition)
Ce premier film belge de Frederike Migom est l’histoire d’un sans-papiers congolais et de sa fille recherchés par la police, qui trouvent refuge chez la mère d’un camarade de la jeune femme. Cette situation tendue est vécue comme une parenthèse enchantée à travers le regard de cette jeune ado insouciante collée à son Instagram. La réalisatrice propose ainsi un feel good movie plein d’énergie sur la solidarité et l’entraide, qui n’échappe pas à une certaine naïveté et aux caricatures, mais qui tient grâce à son interprète principale. La dureté sociale finit par les rattraper, affichant avec réalisme l’intolérance et la délation, malgré la romance délicate qui naît entre les deux parents.
Benoit Basirico
L’Extraordinaire Voyage de Marona (section Jeune public)
Un peu comme Michel Piccoli dans Les Choses de la vie de Claude Sautet, Marona, petite chienne bâtarde, victime d’un accident, se souvient de ses rencontres (et différents maîtres) avant de s’envoler au paradis… Ce merveilleux film d’animation (coproduit entre la Roumanie, la Belgique et la France), réalisé par la réalisatrice roumaine Anca Damian, fait partie des œuvres qui feront grandir les plus jeunes spectateurs : son esthétique originale, mélangeant toutes les techniques d’animations, est proprement hypnotisant tandis que l’histoire donne une vision assez inédite des relations entre humains et animaux familiers. Si la beauté y est récurrente, le film n’est pas exempt d’une certaine cruauté et d’un réalisme pourtant jamais traumatisant, mais très bien représentés. La musique de Pablo Pico épouse parfaitement les contours hétéroclites de cette œuvre marquante. Testé et approuvé : enfants et parents sont scotchés de bout en bout.
Olivier Bombarda
Le palmarès 2020 !
Long métrage
Le jury composé de Najla Ben Abdallah (actrice), Lisa-Kainde Diaz (compositrice & chanteuse), Harold Manning (réalisateur, scénariste, producteur et Interprète), Hasan Ugur (programmateur de festival), remet le Grand prix de la meilleure musique originale au compositeur Geert Hellings pour le film Patrick de Tim Mielants (voir nos poly critiques plus haut dans la page).
Prix du meilleur long métrage attribué à Kuessipan de Myriam Verreault (voir notre critique plus haut dans la page)
Une Mention spéciale est attribuée à l’actrice Sharon Fontaine-Ishpatao pour son interprétation dans ce film.
Prix d’interprétation attribué pour l’ensemble de la distribution du film à Patrick de Tim Mielants (voir nos poly critiques plus haut dans la page)
Prix de la meilleure mise en scène attribué à A certain Kind of Silence de Michal Hogenauer
Court métrage
Le jury composé d’ Anaïs Tellenne (réalisatrice, scénariste & actrice), Jonas Bloquet (acteur), Pablo Pico (compositeur) et David Reichelt (compositeur) remet le Grand prix de la meilleure création musicale, à L’heure de l’ours de Agnès Patron En savoir plus sur ce film dans BANDE À PART
Prix Cinézik – le site de la musique de film – récompense la meilleure musique d’un court métrage Français de la compétition
L’heure de l’ours de Agnès Patron En savoir plus sur ce film dans BANDE À PART
Voir les autres prix du palmarès sur le site du festival d’Aubagne : https://aubagne-filmfest.fr/fr