Portrait d’une femme qui lâche sa famille et part vivre seule. Alors que les secrets ne lui ont pas encore été dévoilés… Un film sur une société patriarcale en pleine mutation. Dévastateur et beau.
Manana ne souhaitait pas fêter l’anniversaire de ses 52 ans, Manana veut décider pour elle-même, Manana quitte son mari Soso, leurs deux grands enfants et leur gendre et même ses parents, tout ce petit monde qui partageait depuis des temps immémoriaux son quotidien et son appartement de Tbilissi. Manana va vivre seule, désormais. A travers ce magnifique portrait de femme, illuminé par la magnifique présence de l’actrice Ia Shugliashvili, Nana Ekvtimishvili et Simon Gross, déjà signataires d’un magnifique portrait d’adolescente(s), Eka et Natia, chronique d’une jeunesse géorgienne (2013), font mouche.
On y voit, mine de rien, comment la famille vous engloutit et vous absorbe, comment l’homme est toujours plus important que la femme, comment une quinquagénaire érudite, professeur dans un lycée, doit combattre pour sa liberté. Lorsqu’elle se retrouve (enfin) seule, Manana lit, écoute de la musique, mange du gâteau et plante des tomates, elle vit enfin par elle et pour elle. Pourquoi ? Alors que comme le souligne le conseil de famille, elle a un bon mari qui ne la bât pas et ne boit pas ? Parce que. Parce que le monde bouge et que la vie passe, parce qu’il est temps d’être. La lumière du chef opérateur de Cristian Mungiu sur Baccalauréat, Tudor Vladimir Panduru, rapprochent le film du récent courant roumain, avec ses longues scènes de repas, ses images emplies de personnages vivants et bruyants. Mais ici, c’est la Géorgie d’après la chute du mur et de la dissolution de l’URSS qui transparaît. Un monde dont les codes sont en train de changer, doucement certes, mais sûrement. Et c’est constamment passionnant. D’autant qu’à la faveur d’(une réunion d’anciens élèves, Manana découvre un secret sur son mari, qu’elle ignorait complètement. Et qui n’est pas la raison de sa décision. D’autant qu’il y a trois générations de femmes présentes dans Une famille heureuse. D’autant que rien n’est simple. Mais que tout est vivant.