Ce premier long-métrage vénézuélien gagne enfin les salles de l’Hexagone ! Gustavo Rondón Córdova y filme avec précision et générosité un duo père-fils pris dans les mailles d’une réalité déshumanisante. L’amour tente de déjouer la fatalité. Bouleversant.
L’urgence mène La familia. Urgence de fuir. Urgence de survivre. Urgence de recréer du lien. Le Venezuela est un pays secoué de tremblements douloureux depuis des années. Aujourd’hui plus que jamais. Ce premier long-métrage en est l’un des reflets. La force du film réside à la fois dans le miroir qu’il tend au réel et dans la réussite d’une fiction prenante et universelle. Une alliance bénéfique pour mieux happer le spectateur. Le drame arrive dès le début et la pression ne lâche plus. Comme dans un polar tendu sur le fil ombilical fragile qui lie André et Pedro, l’aîné et le cadet, le grand et le petit, le père et le fils. Abyssal, de grandir et de devenir un homme, quand on a douze ans, dans une société où la violence dicte comportements et réactions, et où tout manque cruellement.
La mère a déjà disparu de ce foyer réduit au duo. « La famille », c’est donc une alliance renforcée par un coup tragique du destin, que Córdova capte avec une énergie rare, une image rude et aimante à la fois, en collant aux basques de deux acteurs intenses. L’un, professionnel et aguerri aux planches : Giovanny Garcia, déjà vu dans le premier long El amparo de Rober Calzadilla, dont Córdova était monteur. L’autre, casté dans la rue en train de jouer au foot : Reggie Reyes. La symbiose fonctionne, dans un traitement du quotidien, du travail, du mouvement, de chantier de maison privilégiée en bitume où tout peut arriver. C’est Caracas qui s’invite comme personnage à part entière, urbanité qui transpire même dans les gros plans. Un décor qui regorge de pièges, mais où chacun doit trouver un nid.
Comme le précité El amparo, et comme La soledad de Jorge Thielen Armand, tous deux dévoilés en 2016 et inédits dans les salles françaises, La familia témoigne de la créativité du nouveau cinéma vénézuélien, et de la nécessité de se raconter grâce au grand écran. D’après des faits réels, puisé dans le vécu de ses compatriotes, ou brillamment inventé, ce champ des possibles vibre et bouleverse. Avec, toujours, la croyance profonde dans l’humanité pour renouer avec elle-même, là où tout semble joué d’avance. Córdova atteint aussi sa cible en parcourant le monde des festivals depuis sa présentation à la Semaine de la Critique cannoise en 2017. Aujourd’hui, l’aventure gagne des écrans ouverts au public. Il était temps !