François Ozon replonge dans l’époque de sa jeunesse, à travers un récit vif et romanesque tiré d’un auteur anglais. Un amour direct et emballant pour une sortie un jour de fête.
Énergie. C’est le maître mot du dix-neuvième long-métrage de François Ozon. Une énergie liée à la jeunesse. Celle qui porte ce récit d’une rencontre, d’un amour et d’une émancipation. En adaptant librement le roman britannique La Danse du coucou (Dance on My Grave) d’Aidan Chambers, le cinéaste renoue avec sa propre adolescence, quand il découvre ce livre à dix-sept ans, en 1985 justement, et qu’il se promet ensuite qu’il l’adaptera pour son premier long-métrage, qui sera finalement Sitcom (1998). Il lui aura donc fallu attendre vingt ans pour le concrétiser. Deux décennies de travail, de reconnaissance, de créations originales et d’adaptations, à revisiter les genres, les humeurs, le théâtre (Fassbinder, Robert Thomas, Montherlant, Barillet & Grédy, Juan Mayorga) et le romanesque (Elizabeth Taylor, Ruth Rendell, Joyce Carol Oates). Une distance temporelle qui lui permet aujourd’hui de mieux approcher l’âme de ce portrait intense. Avec une vraie justesse.
Une démarche qui semble tout droit sortie de l’élan de l’épatante collection cathodique des années 1990 : Tous les garçons et les filles de leur âge, dont les versions longues avaient gagné les salles : Les Roseaux sauvages d’André Téchiné, L’Eau froide d’Olivier Assayas et Trop de bonheur de Cédric Kahn. La charte d’alors qu’Ozon accueille : adolescence centrale, intrigue au début, milieu ou fin de décennie entre 1960 et 1990, scène de fête avec musique rock du moment, filmage en super 16. Doublés de l’expérience acquise, ces liens souterrains semblent avoir guidé le réalisateur, après la solidité du brillant et grave Grâce à Dieu. Visages en devenir et interprètes amis incarnent ce battement de cœur frontal et décomplexé. Un savant tissage d’excitation estivale, de pulsion vitale et de flirt avec la mort, quelque part entre le teen movie, le mélo et le polar. Car le scénario, qui joue des allers-retours temporels, est basé sur un pacte radical des deux protagonistes, et sur une conviction jusqu’au-boutiste du sentiment. L’exaltation et le mortifère vont de pair, illustrés par le tube New Wave leitmotiv du film, In Between Days de The Cure.
En touchant à une simplicité rafraîchissante, Ozon embrasse généreusement le cinéma. Le sien, que la lecture du roman a influencé et auquel il adresse des clins d’œil, dont le fameux vêtement d’Une robe d’été, pendu à un portant d’une boutique du Tréport. Celui des autres, avec un trio juvénile sur bateau évoquant Plein Soleil de René Clément, ou le walkman et la scène en boîte, hommage à La Boum de Pinoteau, dont la révélation d’alors Sophie Marceau va porter le prochain opus d’Ozon. Ici, deux garçons transcendent les personnages et leur passion météore. Félix Lefebvre et Benjamin Voisin confirment les espoirs perçus dans L’Heure de la sortie pour le premier, et dans La Dernière Vie de Simon et Un vrai bonhomme pour le second. Été 85 fait donc lien. Avec le public aussi, car le cinéaste remonte le temps, traverse les générations et touche au cœur, par son regard bienveillant et l’émotion de ces corps troublés, agités, et prêts à danser sur les tombes, pour apaiser ceux qui s’en vont, et ceux qui restent.