Pour réparer les méfaits de son ripou de mari, une femme flic suit l’innocent qu’il a fait condamner et tricote un beau sac de nœud. Un grand film joyeux sur les faux-semblants.
Une porte explose, un flic démolit une horde de méchants dealers et saute d’un immeuble directement dans sa décapotable… Chaque soir, Yvonne raconte à son fils en les embellissant un peu plus, les exploits de feu son père, Santi, mort au champ d’honneur et dont la statue, flingue au point, vient d’être inaugurée sur le port. Statue peu ressemblante, d’ailleurs… Ce qui aurait dû mettre la puce à l’oreille de la veuve éplorée, flic elle-même. Car elle va l’apprendre bien vite, suite à un coup de filet dans un club sado maso : Santi ne ressemblait pas non plus à sa réputation. Santi était un ripou.
Horrifiée, Yvonne veut réparer, et tandis qu’elle ne parvient plus à enluminer les récits qu’elle fait à son fils, elle se met à suivre nuit et jour Antoine, le pauvre type, l’innocent, que son mari a fait tomber. Antoine qui, justement, sort de prison et se dit que, quitte à avoir payé huit années pour un crime non commis, il va désormais se rembourser en se conduisant comme un sale type…
Remarquablement écrit, sautant du burlesque au slapstick, de la comédie romantique à la farce (et retour), ce neuvième film de Pierre Salvadori caracole à toute vitesse et mélange les genres avec entrain. Il assume ses références écrasantes (Billy Wilder, Philippe de Broca, Ernst Lubitsch, Jonathan Demme… entre autres) et réinvente un style propre qui tisse les faux récits de chacun et la réalité du quotidien (tout de même très branque).
Tout le monde ment, enjolive, transforme, cache la vérité ou se raconte une histoire… Ainsi Agnès, épouse d’Antoine, qui l’a attendu toutes ces années et n’était pas avertie de son arrivée lorsqu’il a frappé à la porte, lui demande de refaire son entrée, de bien faire crisser le gravier de l’allée sous ses pas… Et Louis, qui savait pour Santi et n’a jamais rien dit, qui est raide dingue d’Yvonne et joue les bons copains… Enfin, tous les suspects passant par le commissariat racontent des bobards («Tout ceci est un horrible malentendu» dit un prêtre moulé dans une combinaison latex), sauf sans doute un petit bonhomme qui avoue avoir tué et découpé des femmes et revient avec des sacs plastiques, mais n’est jamais écouté…
Ce qui est drôle, ici, c’est que rien ne l’est, à la base. La solitude, l’injustice, la trahison président à tous ces destins croisés, entremêlés, tricotés même en sac de nœud ! Ce qui est beau, c’est que le cinéma est le centre du film, son essence et sa raison d’être : comment une fiction devient réalité, comment l’imagination est un moteur (et parfois, aussi, un frein). Entre feu d’artifice d’émotions et explosions de rires, il y a quelque chose de revigorant dans En liberté ! Adèle Haenel, Pio Marmaï, Damien Bonnard et Audrey Tautou, sans oublier Vincent Elbaz qui « surjoue » Santi, sont tous épatants, émouvants et drôles, sur le fil de sentiments contradictoires.