Bien au-delà de l’anecdote historique, L’Échange des princesses de Marc Dugain reflète un monde déviant disparu dont les démons sont toujours d’actualité. Passionnant.
Marc Dugain poursuit une filmographie fidèle à son intérêt pour l’histoire, s’attaquant ici avec Chantal Thomas à l’adaptation du roman éponyme de cette dernière, un épisode intimiste du XVIIIe siècle : Philippe d’Orléans, Régent de France, voulant consolider la paix avec l’Espagne après des années de guerre, décide du mariage du futur roi de France Louis XV (11 ans) à l’Infante d’Espagne (4 ans) tandis que sa fille, Mlle de Montpensier (12 ans) doit s’unir à l’héritier du trône d’Espagne, Don Luis (14 ans). L’échange des princesses a lieu en 1721… Marc Dugain synthétise l’essence principale de ce très beau sujet (dont le roman fait état en détail) autour d’enfants victimes de manipulation politique par des adultes sans état d’âme. La représentation est adroite, concentrée à décrire la bulle des élites déconnectées du peuple. À ce titre, le moment d’arrêt de la princesse Montpensier nez à nez avec une petite paysanne est savoureux. Il entérine la disparition totale des prolétaires du film au profit d’un examen attentif de la monarchie déviante et agonisante. Le réalisateur abonde notamment à propos du duc de Condé : « La France est alors la première nation mondiale et à sa tête, on trouve un jeune roi de treize ans qui se cherche et un premier ministre de vingt-et-un ans complètement dégénéré ! » Servi par un quatuor de jeunes acteurs formidables – Igor Van Dessel, séduisant et décidé, Anamaria Vartolomei, pleine d’énergie et de spontanéité, Kacey Mottet-Klein, parfait d’immaturité sous l’emprise de son père, Juliane Lepoureau, adorable – et secondés par Catherine Mouchet, Andréa Ferrol, Lambert Wilson, Olivier Gourmet (tous impeccables), le constat funèbre n’en laisse pas moins affleurer une dose prégnante de ridicule et d’humour jamais forcés, dont la légèreté affine d’autant le propos. Quand il est question de l’ordre du monde, si tant est que l’on puisse considérer la part intime de l’histoire bien supérieure au décorum, L’Échange des princesses s’avère de fait aussi haletant que spectaculaire.