
Déguisée en comédie pour mieux finir en implacable brûlot féministe, Douglas is Cancelled est sans doute, déjà, la meilleure série de l’année. Qu’on se le dise !
Douglas et Madeline, coprésentateurs du journal télévisé sur une chaîne anglaise, ont, à l’écran, une alchimie évidente. Pourtant, tout se dérègle quand un tweet révèle que Douglas a proféré (en privé, lors d’un mariage en famille, mais qu’y a-t-il de privé dans nos vies désormais ?) une blague « sexiste ».
Mais d’abord, quelle était-elle, cette fichue blague ? Le tweet ne le dit pas, Douglas ne s’en souvient pas. Lorsque Madeline retweete, apparemment ingénument, en ajoutant pour commentaire : « Non, jamais, pas mon coprésentateur ! », la machine s’emballe.
Pourquoi Douglas, charmant et débonnaire quinquagénaire, marié et père d’une jeune femme ultra-féministe, cet homme semblant plutôt inoffensif et que Madeline appelle « chéri » en lui tapotant le genou ou lui caressant les mains, au grand dam de leur producteur Toby (Ben Miles, évasif et glissant à souhait) serait-il « cancelled » ? Qu’a-t-il bien pu raconter ?
C’est toute la question de cette mini-série en quatre épisodes fulgurants, que l’on doit à l’excellent Steven Moffat (Doctor Who, Sherlock). Colorés, rapides et très addictifs, ils passent d’une comédie légère, brillamment dialoguée et interprétée à un extraordinaire duel à fleurets mouchetés, où Douglas se révèle surtout d’une grande lâcheté. Quant à la révélation finale, elle émerge d’une scène terrifiante par sa durée et l’insistance gluante du prédateur (que nous ne dévoilerons pas). Tout y passe, mine de rien, parfois au détour d’une phrase, d’une scène, d’un sourire en coin : la télévision spectacle, la presse à scandale (l’épouse de Douglas, interprétée par l’inénarrable et tonitruante Alex Kingston, est rédactrice en chef d’une de ces feuilles de chou dont la Grande Bretagne a le secret), le sexisme latent, le mépris de classe, le paternalisme rampant… Et c’est formidable. On rit, puis on rit jaune, et puis, soudain, le sang se glace dans nos veines.
Hugh Bonneville (Coup de foudre à Notting Hill, la série Downton Abbey) est plus que parfait dans ce rôle d’homme élégant, mais faillible. Face à lui, Karen Gillan (Les Gardiens de la Galaxie, Doctor Who), chevelure rousse, la féminité incarnée, semble revêtue d’une armure en acier trempé, mais fait sourdre toutes les blessures, tous les regrets, et l’immense chagrin de devoir admettre que si, bien sûr, tous les hommes ne sont pas des salauds, il est troublant de se demander, parfois, où ils se cachent ?