Un couple sans laisse, s’enlace sans se lasser, sous le regard de Claire Vassé. Dans son premier long-métrage à la tendresse embrassée, une famille a deux toits sur la tête : Émilie Dequenne et Max Boublil, en harmonie, entrelacent liberté et amour vibrant. Une variation romantique radieuse.
À deux, c’est mieux. En unissant leurs vies dans deux domiciles distincts, la famille aimante de Double Foyer s’épanouit, faisant le choix délibéré de séparer les espaces : un enfant, deux toits, et chaque parent dans sa propre demeure. Chez Claire Vassé, la notion de famille nucléaire confinée sous un même toit cède la place à une vision où l’unité conjugale se traduit par une subdivision spatiale, permettant au couple de naviguer, de vivre et de grandir d’une résidence à l’autre, sans s’enfermer dans un lieu commun. Un homme et une femme tissent des liens autrement, dans l’espace et dans le temps La réalisatrice accorde des harmonies invisibles dans leurs amours suspendues d’une demeure à l’autre, comme si elles traversaient l’air et la ville – l’action du film se déroulant à Toulouse.
Un duo d’acteurs exaltant donne de la profondeur et de l’authenticité au couple du film, qui, malgré la séparation domestique, maintient une connexion profonde. Émilie Dequenne irradie, gracieusement, tandis que Max Boublil charme, simplement. Entre eux circule une énergie fluide et évidente. Claire Vassé exprime magnifiquement cette idée : « Si je devais résumer Lili et Simon, je dirais que c’est un couple qui a su créer l’espace de se regarder, même après toutes ces années ». Ce romantisme rafraîchi transcende les normes et les conventions, se libérant des clichés habituels de la romance à l’écran ; le couple à deux toits toise les conventions conservatrices et s’élève avec allégresse au son des compositions de Guillaume Aldebert et de la chanson Deux Foyers, que Lili fredonne comme un enchantement. Une mélodie légère, empreinte de la douceur d’un amour qui danse, ignorant les ombres de la monotonie et des soucis quotidiens.
En déconstruisant les stéréotypes et en promouvant la compréhension, le film invite à une acceptation plus large des différentes formes que peut revêtir la famille dans la société moderne. L’approche de Claire Vassé offre une réflexion nuancée sur l’amour contemporain et la façon dont les dynamiques conjugales peuvent évoluer sans pour autant se briser. Au cœur d’une conversation amicale, les protagonistes de Double Foyer réfléchissent à l’amour, tels Socrate et Aristodème chez Agathon, aux côtés d’Aristophane, Apollodore, Pausanias et Eryximaque, dans un dialogue emblématique du Banquet. Ils convoquent Platon et sa vision des amoureux comme « une même personne coupée en deux ». Cette conception, attribuée à Aristophane, offre une perspective riche sur l’amour, le dépeignant comme une quête éternelle de retrouver notre moitié perdue. Dans Double Foyer, cette recherche incessante de complétude et d’unité dans les relations amoureuses prend une dimension tangible. L’histoire de Lili et Simon, qui ont aménagé leur propre espace pour s’aimer et se soutenir mutuellement malgré et avec la distance, illustre cette quête de fusion et d’accomplissement, embrassant la vision platonicienne de l’amour romantique.
Jo Fishley