Ce documentaire en prison parvient avec brio à extraire ce qui reste d’humanité chez ces détenus en souffrance.
Il s’agit d’abord d’un lieu, la prison des Baumettes à Marseille, investi par deux documentaristes chevronnés, Alice Odiot et Jean-Robert Viallet qui y ont installé leur caméra pendant vingt-cinq jours, en totale immersion. Ce décor laisse apparaître des murs gris, des cellules étouffantes, qu’une lumière extérieure a de la peine à colorer, un espace qui incarne un regard critique et politique sur une société inégalitaire.
Il s’agit aussi de détenus, de ces hommes cabossés dont on ne sait rien, mais dont on devine l’expérience éprouvante du manque de liberté. À travers ces corps meurtris, ce sont des paroles qui s’expriment, avec des mots qui ont la force d’un rayon de soleil et qui embrasent le vide du décor, qui l’emplissent d’une humanité émouvante. Ces confidences exprimées sans questions (pas d’interviews) les éloignent de l’interrogatoire dont ils sont familiers, les laissant libres de leur propos.
Derrière les barreaux immuables et une virilité érigée comme bouclier, quelques failles apparaissent chez ces hommes, et permettent de provoquer l’empathie comme le sourire. On peut penser à Raymond Depardon, chez lequel les interrogatoires de Délits flagrants (1994) peuvent révéler une dimension comique. L’humour est ici alimenté par le contraste entre le cadre carcéral et la vie qui continue avec légèreté, à l’image d’une scène de chant avec trois prisonniers qui claquent des mains en guise de rythmique, faisant oublier la situation judiciaire. Il s’agit ainsi surtout d’une parenthèse enchantée.