Une fille et sa mère. La folie entre les deux et l’amour comme ciment éternel. Noémie Lvovsky livre un film fantasque et poétique au charme fou.
Dans le bureau de la principale, Mathilde et sa mère sont assises. La seconde vagabonde en pensées et en paroles, demande pourquoi elle est là, semble perdue, ailleurs, puis avise un nid dans un arbre, fait monter sa fille sur une chaise pour le regarder… Lorsqu’elles sortent du bureau, on ne sait qui est la mère, qui est la fille, qui protège l’autre. Du haut de ses neuf ans, Mathilde, dont les parents sont séparés, fait face jour après jour à la singularité de cette maman rêveuse et enjouée, qui débarque en robe de mariée (car elle épouse la vie !), disparaît sans prévenir le soir de Noël ou lui offre une chouette qui, miracle, parle d’or et prodigue des mots qui aident à vivre… De temps à autre, figure bienveillante et apaisante, le père (Mathieu Amalric) vient remettre un peu d’ordre. Mais la mère s’enfonce et la fille ne peut plus suivre…
Depuis ses débuts de réalisatrice, Noémie Lvovsky (qui est aussi scénariste pour Arnaud Desplechin ou Valeria Bruni Tedeschi et une formidable actrice) n’en finit pas de questionner le récit cinématographique, sa force fabuleuse pour conter le réel et ses lisières fantasmagoriques, les malaxer, les transformer… Après des films frontaux (les courts-métrages Dis-moi oui, dis-moi non, le long-métrage Oublie-moi), elle est passée à la fantaisie pour narrer l’adolescence (La vie ne me fait pas peur), l’amour qui vous tombe dessus (Les Sentiments), la famille dysfonctionnelle (Faut que ça danse). Avec Camille redouble, c’est déjà d’un conte qu’il s’agit : une comédie romantique qui pose la question de comment retourner en arrière pour chérir une dernière fois ceux qu’on a perdus et changer ce qui peut l’être. Ici, elle mélange plus que jamais les genres, et même si le film s’y perd un peu par moments, elle raconte le lien merveilleux qui unit Mathilde à sa mère, un lien magique et d’autant plus difficile que la seconde est imprévisible, à la lisière de la folie où elle finit par sombrer, tandis que la première se réfugie dans le rêve et le dialogue avec un oiseau, non sans une certaine colère envers celle qu’elle ne comprend pas toujours et a si peur de perdre.
Entre réalisme et fantastique, Demain et tous les autres jours, dans un style bigarré et constamment surprenant, avec ses décors hors du temps et ses costumes décalés aux couleurs vives, déploie la force de l’imagination et ses dangers. La petite Luce Rodriguez est d’un naturel confondant, face à Noémie Lvovsky, bouleversante et barrée. La voix de la chouette est celle de l’acteur Micha Lescot, qui lui confère une douceur inouïe. Le film est étrangement scindé, après que le tournage a été arrêté par deux fois, mais il en tire une force étrange et singulière. Dans la dernière partie, c’est une Mathilde adulte (interprétée avec grâce par Anaïs Demoustier) qui rejoint cette mère dans son monde pour un temps suspendu, entre comptine et amour indéfectible. L’émotion qui se dégage de Demain et tous les autres jours est différente, étonnante, unique.