Reprise partout en France et jusqu’à la fin de l’année de l’irréfragable Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau.
Edmond ! Edmond ! Il est là, il répond. Rostand est son nom. Et son prénom est aussi le titre de l’un des plus grands succès théâtraux de ces dernières années, Edmond, écrit et mis en scène par un jeune trentenaire, Alexis Michalik (qui signe aussi le film éponyme, annoncé pour le 10 janvier prochain). Edmond raconte la genèse agitée de Cyrano de Bergerac, les doutes étranges de l’insatiable générateur d’alexandrins au soir de la première représentation à Paris, à la Porte Saint-Martin, le 28 décembre 1897, le triomphe immédiat du héros au grand nez, le ministre des finances de l’époque, Georges Cochery, se précipitant dans la loge de Rostand pour lui épingler sur la poitrine sa propre légion d’honneur avec ses mots : « Je me permets de prendre un peu d’avance »… À noter cependant, quelques critiques assassines sans aucunes conséquences, dont celles de Léon Daudet et d’André Gide… Tout ceci est bel et bon, mais tellement plus près de nous, et dépassant de loin ses huit précédentes adaptations pour le cinéma ou la télévision, voilà qu’en 1990 déferle sur les écrans l’éblouissant Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau, qui ressort en salles pour le bonheur de tous et de chacun. Là aussi, le succès n’a pas attendu. Prix d’interprétation – ô combien mérité -, pour Gérard Depardieu au 43ème Festival de Cannes. Portant encore les cheveux longs de son rôle, le lauréat montera sur scène, ému, remerciera tout le monde, ses partenaires, ses producteurs, les techniciens, Rappeneau, bien sûr, et terminera en paraphrasant avec… grâce, la déclaration de Cyrano à Roxane : « Grâce à vous, une jupe a passé dans ma vie », par un superbe : « Grâce à vous, un grand film est entré dans ma vie ». Puis ce sera la razzia de César, dix statuettes, dont meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur, etc. Récompenses multiples et méritées, confortées par l’adhésion du public : 4.732.136 entrées comptabilisées. Jean-Paul Rappeneau ne manquera pas non plus, en de multiples occasions, de rendre hommage à ses interprètes, Anne Brochet, Vincent Pérez, Jacques Weber, Roland Bertin, d’évoquer le tournage, en Hongrie notamment « porté par la fougue de Gérard Depardieu », qui selon lui « est au dessus de tout, un extraterrestre ». Ajoutant : « Le rôle lui est tombé dessus comme la pluie, il est devenu cet homme-là, avec sa force et sa faiblesse aussi, pouvant se battre comme un lion et ne pas oser toucher la main de Roxane ». Si le « Cyrano » de Rappeneau semble aujourd’hui couler de source, c’est oublier le travail énorme fourni par le réalisateur et son complice, Jean-Claude Carrière. S’attelant aux quatre heures de la pièce monstre pour la ramener à une durée plus raisonnable de 2h17, plongeant dans la jungle des 2.600 vers, élaguant, modifiant, remaniant toujours avec pertinence, avec élégance. Un exemple ? En voici un. Acte lll, scène 7. Rostand : « Je sais que l’an dernier, un jour, le 12 mai Pour sortir le matin tu changeras de coiffure J’ai tellement pris pour clarté ta chevelure Que, comme lorsqu’on a trop fixé le soleil, On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil, Sur tout, quand j’ai quitté les feux dont tu m’inondes, Mon regard ébloui pose des taches blondes ». Acte lll, scène 7. Rappeneau, Carrière : « Je sais que l’an dernier, un jour, le 12 mai Pour sortir le matin tu changeras de coiffure Un soleil m’éblouit : c’était ta chevelure ». Pas pour dire, mais disons-le, en l’occurrence, Rappeneau/Carrière, c’est mieux !