Ce n’est sans doute pas le meilleur Eastwood, la faute à un scénario par trop paresseux, mais Cry Macho, avec la même austérité formelle qui caractérise toute son œuvre, complète un autoportrait en vieil acteur du réalisateur après La Mule (2018).
Clint Eastwood, un très vieil homme. L’acteur, réalisateur et icône a l’âge de sa légende fournie : 91 ans. Cry Macho est son trente-neuvième film de réalisateur, et disons-le d’emblée, il n’exploite pas le meilleur des scénarios du metteur en scène oscarisé d’Impitoyable (1993) et de Million Dollar Baby (2004).
Dans Cry Macho, Clint Eastwood tient le rôle principal ; il est Mike Milo, vieux cow-boy taiseux, solitaire, veuf et endetté. Il fut autrefois une star du rodéo texan, reconverti en éleveur de chevaux. C’est un pur, un dur, un grand. Sur ses vieux jours, il n’est plus que l’ombre de lui-même, une idole à son crépuscule. Entre Mexique et Texas, il roule sur des chemins désertiques, cahoteux et poussiéreux, chargé de ramener un jeune garçon à son père américain, qui s’en dispute la garde avec la mère mexicaine, une folle furieuse qui n’entend pas laisser partir son gamin et envoie la pègre à leurs trousses – de ce côté-là de l’action, tout est à laisser, c’est raté et cliché.
À la différence de sa série de films sur la glorification du héros américain, individu supérieur, (American Sniper, Sully, Le 15 h 17 pour Paris, Le Cas Richard Jewell), série aux relents de patriotisme droitier, troublant écho aux fanfaronnades nationalistes de Donald Trump (le slogan « Make America Great Again » pourrait leur servir de sous-texte), Cry Macho projette la figure d’un homme qui n’est plus un héros : un homme marginal et déclassé.
Mike Milo n’est pas affranchi de tout ancrage à l’identité nationale américaine et en cela, il est un héros eastwoodien : le rodéo est un fait culturel en relation avec un certain folklore de l’Ouest américain et il exalte la force et la puissance du patriote états-unien, qui, en affrontant l’animal furieux, se montre maître et possesseur de la nature la plus sauvage et la plus brutale. Mais Mike Milo ne véhicule aucune propagande nationaliste.
Le cow-boy de Cry Macho est plus proche du vétéran bourru et misanthrope de Gran Torino (2008), mais il s’en distingue par son absence de racisme. Il vient dédoubler l’autoportrait de l’acteur en vieil homme de La Mule (2018), convoyant cette fois un enfant, après de la drogue. Ensemble, les deux films forment une sorte de diptyque de Clint Eastwood dans ses vieux jours. Il a changé : il est plus nuancé, plus ouvert, plus simple. Le vieux Clint en devient même sentimental (pleure, macho !): il est amoureux et il danse, dans les bras de Natalia Traven, actrice mexicaine à la présence magnétique. La preuve qu’il est tout à fait vivant et que Cry Macho n’est ni un film testamentaire ni un chant du cygne. Clint Eastwood est bien là, se filmant comme une âme nouvelle.
Jo Fishley