Depuis près d’une dizaine d’années, la filmographie de Kiyoshi Kurosawa, plus clairsemée, n’hésite pas à prendre des chemins de traverse surprenants. Dans Tokyo Sonata, le réalisateur de Charisma abordait avec succès le mélange total des genres au sein d’une œuvre cohérente. Si Vers l’autre rive, émouvante romance entre humains et fantômes, amplifiait cette voie, Creepy semble, en apparence, marquer un retour au thriller, tendance Cure dirons-nous, pour le cinéaste. Le scénario, qui voit un ancien détective devenu professeur en criminologie emménager avec sa femme près d’un inquiétant voisin, pourrait le confirmer. Pourtant, sur un canevas en apparence classique, Kiyoshi Kurosawa déjoue sans cesse les attentes du public sans pour autant abuser des rebondissements scénaristiques faciles, propres au polar contemporain. Son secret réside d’abord dans un sens du casting implacable. Ledit voisin est en effet incarné par Teruyuki Kagawa, acteur récurrent chez le cinéaste, qui insuffle dès sa première apparition séduction et malaise. Sa présence, associée à une mise en scène tout en retenue, capte aussitôt l’attention du spectateur, permettant à Kurosawa de jouer avec son histoire, aussi retorse que ses personnages. Construisant un univers cauchemardesque où l’humour (très noir) n’est pas absent, Kurosawa signe un film inclassable et s’affirme une fois de plus comme l’un des cinéastes les plus stimulants de sa génération.