Joachim Lafosse entraîne Virginie Efira et Kacey Mottet Klein au bout du monde pour un exaltant road-movie existentiel.
Dire tant en si peu de mots, donner à ressentir la beauté du monde en traversant un désert, aller au plus loin pour tenter de se rapprocher, c’est le défi que s’est lancé Joachim Lafosse en adaptant le roman de Laurent Mauvignier, Continuer. Pour la première fois, le cinéaste belge s’évade dans de grands espaces, lui qui avait toujours jusqu’ici disséqué d’un scalpel très sûr dans des huis clos souvent déchirants (Nue propriété, À perdre la raison), les toxiques dérives familiales.
Sibylle est une mère divorcée, dépassée. C’est Virginie Efira, belle et pâle, sans apprêt, libérée de toutes les étiquettes, de plus en plus libre dans ses choix, dans son jeu. Son grand fiston est sur la mauvaise pente, le courant entre eux est coupé. Kacey Mottet Klein, qui a grandi dans et pour le cinéma, déjà remarquable en tendre petit chapardeur de L’Enfant d’en haut chez Ursula Meier, ou en (trop) jeune futur père de Keeper chez Guillaume Senez, donne corps, âme et tête de mule à ce Samuel.
Sibylle, comme une dernière chance, une trouvaille extrême pour éloigner son prédélinquant de ses funestes tentations, lui propose, lui impose même un voyage. Officiellement aux origines de sa famille, réellement au plus profond d’eux-mêmes. Et nous voilà transportés dans les paysages à la fois austères et somptueux des steppes du Kirghizistan. Mère et fils ne sont pas seuls dans ces vastes solitudes, leurs deux chevaux sont bien davantage que des montures, des partenaires, à part entière. De temps en temps, on croise quelques autochtones, Sibylle parle russe, c’est une chance… La chevauchée semble sans fin, est-il raisonnable de… continuer ? Mais Sibylle veut tant y croire, et puis il y a des embellies, un café partagé au petit matin frileux, ensemble, enfin. Et c’est très beau de voir peu à peu entre ces deux-là se fissurer l’hostilité, s’insinuer dans le froid un peu de chaleur, les prémices d’une tendresse oubliée. Il y a cette réplique de Samuel : « Faut voir les choses en face, à l’évidence, maman, qu’est-ce que tu n’as pas raté dans ta vie ? ». Réponse de Sibylle : « Toi ». Continuer ? Réussi. Aussi.