Le quatrième film d’Alex Garland n’est pas toujours à la hauteur de son imposant sujet. Mais quand il l’est, il l’est vraiment. Et il redonne la place qu’elle mérite à une grande actrice : Kirsten Dunst.
Romancier, scénariste et réalisateur, Alex Garland montre depuis longtemps une prédilection pour les sujets choc (28 jours plus tard et sa planète zombifiée, Men et ses hommes pour le moins agressifs…) et pour l’extrapolation : de Sunshine à Ex Machina en passant par une relecture du célèbre Judge Dredd, Garland explore les futurs, souvent sombres, du genre humain. Civil War, qui se présente comme une anticipation habillée des atours du cinéma à grand effets, est un peu une combinaison de ces deux tendances.
Soit une Amérique très proche, soumise à un président ouvertement dictatorial, au sein de laquelle deux États (la Californie et le Texas) regroupés sous le nom de « Forces de l’Ouest » décident de faire sécession et, pourquoi pas, de renverser le pouvoir en place. C’est dans ce contexte que Lee, Joel et Sammy, trois journalistes, accompagnés par Jessie, une jeune photographe, traversent le pays pour tenter d’obtenir une interview du Président.
Écrit en 2020, alors que le mandat de Donald Trump s’achevait, et distribué alors que le même est à nouveau en lice dans la course à la présidence américaine, Civil War peut évidemment se voir comme le reflet d’une inquiétude très actuelle sur l’état du monde. Pourtant, on le comprend assez rapidement, le point de vue d’Alex Garland est celui d’un entrepreneur de spectacle hollywoodien, et c’est à la fois la force et la faiblesse de cette dystopie. Faiblesse d’abord, dans le rapport à l’image du réalisateur, qui envisage le parcours de ses protagonistes avec un regard de photographe plutôt que celui d’un cinéaste. Images léchées, poses iconiques : l’esthétique du film épouse celle d’un reportage-photo. C’est, certes, le métier des deux personnages principaux, mais ce point de vue et une certaine paresse scénaristique (les protagonistes multiplient les actes irrationnels qui les mettent régulièrement en danger de mort, créant un suspense assez artificiel), empêchent pendant un temps de prendre vraiment au sérieux les enjeux dramatiques exposés à l’écran.
Heureusement, on passe ce road movie apocalyptique en compagne de Wagner Moura, Stephen McKinley Henderson et Caily Spaeny qui donnent une certaine consistance à leurs personnages. Mais le plus grand mérite d’Alex Garland reste d’avoir offert à Kirsten Dunst son rôle le plus important depuis le Melancholia de Lars von Trier. D’une grande justesse en journaliste usée par son éprouvant métier, elle incarne à merveille toutes les nuances d’un personnage riche et complexe. Et les gros plans sur le regard perdu dans un inaccessible lointain de cette grande actrice font partie des moments les plus forts du film.
On ne le déflorera pas trop, mais c’est dans le dernier tiers du long-métrage, qui donne vraiment sa justification au titre, qu’Alex Garland se rattrape en suivant en temps réel l’assaut de la capitale américaine par les troupes insurgées. La crudité du regard du cinéaste et le réalisme de la représentation de cette guerre civile donnent enfin au film un ton véritablement cauchemardesque, qui poursuit longtemps après la projection.