Le Château de Cagliostro
Le Château de Cagliostro, premier long-métrage du maître de l’animation Hayao Miyazaki, sort au cinéma en France le 23 janvier 2019. L’occasion de faire un point sur ce petit bijou peu connu du grand public.
Lupin III est à l’origine un manga lancé en 1967 et signé par Monkey Punch. Le personnage principal, Arsène Lupin III, est le petit-fils du célèbre voleur Arsène Lupin, créé par le romancier français Maurice Leblanc. Le succès du manga est tel qu’un anime (une série d’animation) voit le jour dès 1971 et sera diffusé en France en septembre 1985 à la télévision sous le nom d’Edgar, le détective cambrioleur. Le nom d’Arsène Lupin III étant changé en raison d’un désaccord avec les héritiers de l’écrivain !
Coréalisateur de la série avec Isao Takahata (Le Tombeau des lucioles), Hayao Miyazaki hérite du projet du Château de Cagliostro, second long-métrage de la franchise qui sortira au Japon le 15 décembre 1979 après seulement six mois d’un intense travail. Si le spectateur français de 2019 ne connaît pas forcément les aventures d’Edgar et de ses personnages sur petit écran, le pré-générique de Hayao Miyazaki, chef-d’œuvre de mise en scène, réussit en quelques secondes à restituer l’ambiance de la série, tout en résumant les traits principaux de ses protagonistes. Edgar accompagné de son fidèle complice Jigen dérobe la recette du casino de Monaco. Échappant à leurs poursuivants à bord de leur célèbre Fiat 500, les voleurs découvrent qu’ils ont été floués également : tous les billets sont faux ! Edgar enquête et découvre que c’est le comte de Cagliostro qui inonde le monde avec sa fausse monnaie ! Les voleurs décident de se venger et de se rendre à Cagliostro, espérant bien rendre la monnaie de sa pièce au comte ! C’était sans compter sur les élans sentimentaux d’Edgar quand il découvre la belle Clarisse, princesse mariée de force au comte, séquestrée dans sa tour inatteignable !
La première œuvre pour le cinéma de Hayao Miyazaki est un condensé de ce qui fera du maître une star incontestée (et toujours, à nos jours, indétrônable) de l’animation. On y retrouve cette énergie joyeuse incroyable qui découle du génie de Miyazaki à fabriquer des scènes en un minimum de dessins avec un maximum d’efficacité ! En quelques images, les voitures des poursuivants d’Edgar, préalablement découpées, se disloquent avec humour (rappelant la scène culte du Corniaud avec Bourvil). Un dynamisme particulièrement saisissant dans les courses-poursuites du film, qui inspirera nombre d’animateurs clés et autres storyboarders de l’époque, et, plus récemment, jusqu’aux équipes de Pixar !
On retrouvera dans le Château de Cagliostro la sensualité discrète de Miyazaki à travers les traits sublimés de Clarisse (traits souvent réutilisés : Mme Hudson dans Sherlock Holmes, Nausicaä…), mais surtout le féminisme d’avant l’heure du maître de l’animation. Miyazaki s’est toujours éloigné des clichés des pauvres princesses fragiles. Clarisse sauve plusieurs fois Edgar des balles et quand celui-ci lui demande : « Vous avez peur ? », elle lui répond d’un air surpris : « Ben non ! ». Le personnage fort du film est une femme : Magali. L’ex d’Edgar (c’est elle qui l’a plaqué !) est une voleuse qui mitraille à tout va et sauve tout le monde. La plupart des personnages forts des films de Miyazaki sont féminins (San dans Princesse Mononoké, Nausicaä dans Nausicaä de la vallée du vent, Sheeta dans Le Château dans le ciel…)
En grand amateur de machines diverses et particulièrement des avions, Miyazaki ne bride pas son plaisir. Le Château de Cagliostro regorge déjà d’avions, voitures, machines et mécanismes aux designs « steampunk » que l’on retrouvera dans Porco Rosso, Le Château ambulant, Le Château dans le ciel, Nausicaä de la vallée du vent…
Tout comme les tenues au look gothico-métallique des hommes de main du comte qui font écho aux futurs gardiens du Château dans le ciel.
Miyazaki s’approprie le personnage d’Edgar en lui insufflant un positivisme à l’opposé de Lupin III, le personnage original du manga qui est résolument immoral et pervers. Monkey Punch (Kazuhiko Kato de son vrai nom), le créateur du manga, avouant même que son personnage n’aurait pas sauvé la princesse, mais l’aurait violée !
L’écologie, thème fétiche de Miyazaki présent dans quasiment toute son œuvre cinématographique, fait aussi son apparition dans Le Château de Cagliostro avec un final où la nature semble reprendre ses droits après la rupture d’un barrage… Un des thèmes récurrents de l’eau utilisée comme effet cataclysmique et/ou purificateur : Ponyo sur la falaise, Panda Petit Panda : Le Cirque sous la pluie, Conan, le fils du futur, Princesse Mononoké (boue)…
Le Château de Cagliostro est immanquable pour tout fan de Hayao Miyazaki et reste un très bon film pour n’importe quel spectateur, quel que soit son âge ; malgré l’aspect un peu vieillot de l’animation, la qualité artistique de l’œuvre reste de très bonne facture pour l’époque. On se souvient qu’en 1979, l’année où est sorti le film au Japon, en France, Dorothée commençait tout juste sa carrière avec Récré A2. Durant l’émission étaient diffusés les tout premiers dessins animés japonais (Goldorak, Candy…). Donc, outre les sorties en VHS et DVD, il aura quand même fallu 40 ans pour que Le Château de Cagliostro sorte au cinéma dans nos salles ! Profitez-en !