Première incursion de la collection « La 3e scène » dans les salles. Soixante-quinze minutes de déambulation, au gré des sons et vibrations humaines, sous l’œil de quatre metteurs en scène. Un programme estival bienvenu.
Cinq ans déjà que l’Opéra de Paris offre des courts-métrages originaux et filmés par des artistes de tous horizons, dans le cadre de son espace en ligne, la 3e scène. Une proposition de création alternative et complémentaire aux spectacles vivants des Opéras Garnier et Bastille. Plus de soixante œuvres ont déjà vu le jour. Une première arrive avec ce programme de quatre films pensés et réunis pour une sortie en salle. Une femme et trois hommes. Une metteuse en scène de théâtre et trois cinéastes. Deux nés dans les années 1960, un dans les années 1970, et une à l’orée des années 1980. Le fil rouge de la séance est la voix féminine. Voix chantée qui inspire les récits divers et cristallise l’attention durant des minutes suspendues.
Au final, un passionnant travail de recherche et de confrontation entre documentaire et fiction. Montage d’images d’archives chez Sergei Loznitsa, enquête et jeu avec le réel chez Karim Moussaoui, mise en parallèle alterné entre représentation opératique et suivi médical chez Julie Deliquet, et road movie révélateur chez Jafar Panahi. Une mosaïque donc, ouverte aux vents d’ailleurs, et qui offre des miroirs donnant à réfléchir sur l’accès au chant et au spectacle. L’opéra en tant que lieu de culte artistique se révèle. Tour à tour, il est l’épicentre de la représentation du pouvoir et du glamour, digne du Festival de Cannes, mais aussi l’impossibilité même de son existence dans d’autres systèmes culturels et politiques, débouchant sur un équivalent officieux, tout comme le reflet de réalités triviales touchant aussi les interprètes de cet art.
Au plaisir de la découverte des trésors visuels, où le Who’s Who des années 1950-1960 défile sur les marches du Palais Garnier, dans un montage savoureux de Loznitsa, suit la saisissante irruption des vibratos, quel que soit le décor. Maria Callas transcende L’Air de Rosine du Barbier de Séville de Rossini, des divas berbères médusent par leurs mélopées dans une grotte, tout comme la jeune fille, enfin trouvée par Panahi, sa fille et leur amie, subjugue vocalement dans sa maison au cœur de l’Iran. Les unes sont visibles, mais la dernière reste cachée, et même doublement voilée. La femme qui chante est toujours indécente là où règne l’obscurantisme. Le cinéma transgresse et rend justice, grâce à l’âme de ces gestes d’artistes. Inspirés par la commande, ils se redéploient, autrement. Si le segment proposé par Julie Deliquet paraît plus raide dans son dispositif et son exécution, il est vrai qu’elle débute dans la réalisation, contrairement à ses collègues. Son Violeta apporte un contrepoint à leurs voyages dans le temps et dans l’espace.