Cannes 2019 : Une vie cachée

Franz Jägerstätter, paysan autrichien, refuse de se battre aux côtés des nazis. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il est passible de la peine capitale. Mais porté par sa foi inébranlable et son amour pour sa femme, Fani, et ses enfants, Franz reste un homme libre. Une vie cachée, inspiré de faits réels, raconte l’histoire de ces héros méconnus.

Les avis de la bande :

 

Jamais Terrence Malick n’avait été aussi proche d’un Lars Von Trier ou d’un Werner Herzog dans le parcours mystique de son personnage, qui ne lâche rien de ses convictions, voulant préserver, coûte que coûte et malgré la mort promise, son intégrité avec obstination (ne pas prêter allégeance à Hitler). On pense à un autre personnage historique présent à Cannes, la Jeanne de Bruno Dumont (Un Certain Regard), avec une même scène de procès où l’accusé(e) est questionné(e) plusieurs fois dans l’objectif d’obtenir son renoncement, permettant d’apprécier sa ténacité. C’est aussi l’entêtement d’un cinéaste qui a enfin trouvé un sujet et un propos à la mesure de sa forme lyrique.

Benoit Basirico

 

La caméra de Malick est pleine d’afféteries, mais, obstinée dans ses mouvements perpétuels et lancinants, elle parvient à nous embarquer et produit un miracle de cinéma : celui de nous faire éprouver de manière sensorielle le quotidien de ses personnages, comme si l’on pouvait toucher la même terre, la même herbe, le même bois qu’eux. Puis, forts de cette sensation, il nous élève, à la manière d’un Bernanos, et nous embarque vers de hautes sphères où règne l’amour qui unit ses personnages, résistants face au monstre nationaliste, et où résonnent fort les valeurs morales qui les animent et les font courir à leur perte. Comme si nous faisions l’épreuve, trois heures durant, d’une valse vertigineuse entre finitude et éternité. Un chant élégiaque, ample et puissant, dont on regrettera juste que les protagonistes autrichiens s’expriment en langue anglaise dans une absolue incohérence linguistique.

Anne-Claire Cieutat

 

Lyrisme élégiaque et mystique extrême sont à nouveau au menu du nouvel opus « made in Malick ». Il visite l’Europe gangrenée et remonte le temps pour mieux offrir une parabole sur la résistance de l’humain face à la machine nationaliste. L’écho avec l’actualité est fort, et trouve sa force dans sa mise en scène puissamment stylisée, au service d’une histoire d’amour tout aussi implacable. L’ultra-formalisme embrasse certes le maniérisme, mais colle comme une seconde peau à cette épopée acharnée, à la lumière des saisons.

Olivier Pélisson

 

Le plus janséniste des cinéastes poursuit son œuvre mystique avec A Hidden Life, film d’époque où la mise en scène malickienne atteint son acmé de systématisme. Au-delà du style, Terrence Malick poursuit la parabole chrétienne entamée avec The Tree of Life. Le mot « God » revient aussi souvent que « fuck » dans Reservoir Dogs, et l’église du village est présente sur chacun des plans bucoliques du cinéaste. Si l’évangélisme cinématographique, s’il est assumé, n’est pas un problème en soi, la vision héroïque du sacrifice vain qui traverse le personnage principal – comparé avec insistance au Christ dans sa Passion – est très dérangeante. A Hidden Life est un très beau sermon, exécuté avec brio, séduisant, mais dont le message peut questionner

Pierre Charpilloz