Cannes 2019 : Portrait de la jeune fille en feu
1770. Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde.
Les avis de la bande :
Un éblouissement. Céline Sciamma, déjà brillante avec ses trois films précédents (Naissance des pieuvres, Tomboy, Bande de filles) et ses scénarios pour d’autres (Ma vie de courgette, Quand on a 17 ans), monte encore d’un cran, avec un récit d’une puissance dingue sur l’amour absolu. Les corsets et les carcans explosent dans la France de 1770, où une peintre et son modèle nouent un lien transcendé par le portrait. Affûtée comme une flèche, la caméra de la cinéaste perce les fioritures, et filme à l’os le désir invincible. Les étoffes, les pinceaux, les pas bruissent de nuances sonores infinies, saisissant une illumination universelle : le coup de foudre. Noémie Merlant et Adèle Haenel irradient, dans ce chef-d’œuvre puissamment singulier et amoureusement référent à Truffaut (L’Histoire d’Adèle H.), Téchiné (Les Soeurs Brontë) et Karel Reisz (La Maîtresse du lieutenant français).
Olivier Pélisson
Céline Sciama narre l’histoire d’un coup de foudre amoureux au féminin, d’un désir grandissant entre une peintre et son modèle, et à travers cette relation, nourrit une réflexion profonde sur le regard et sur le cinéma – sur le mouvement mystérieux qui s’opère entre deux êtres qui s’observent, sur ce qui se dévoile, se révèle, apparaît ou disparaît. Chaque image de ce film, somptueusement composée et photographiée, promène avec elle l’idée que le cinéma est affaire de présence et d’absence combinées, de fantômes et de mélancolie. Adèle Haenel et Noémie Merlant, muses et interprètes, sont filmées avec amour et nimbent ce film de leur lumière intérieure jusqu’au plan final d’une très grande puissance expressive. Malgré quelques longueurs dans sa première partie, Portrait de la jeune fille en feu confine globalement au sublime.
Anne-Claire Cieutat
Véritable éloge de la relation entre l’artiste et son modèle, on pense évidemment à celle entre la réalisatrice et son actrice (Adèle Haenel), qu’elle retrouve après Naissance des pieuvres (2007). Visuellement très beau, chaque plan magnifie son héroïne, de sa présentation de dos pour ménager l’attente, à sa conclusion de face pour un long plan valorisant le visage et ses larmes. Juste dommage que cette réflexion autour du portrait passe surtout par le didactisme du discours, empêchant d’en être pleinement ému.
Benoit Basirico