Cannes 2019 : Les Misérables
Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade anti-criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux « Bacqueux » d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes…
Les avis de la bande :
Premier film et véritable uppercut du festival, Les Misérables de Ladj Ly répond littéralement à l’apostrophe de Victor Hugo : « Mes amis, retenez ceci, il n’y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n’y a que de mauvais cultivateurs. » Cette immersion hyperréaliste est basée sur l’histoire vraie d’une bavure en Seine-Saint-Denis. Elle met le spectateur en apnée dans l’enfer du ghetto, où la haine de l’autre entérine le bourbier national français avec la conscience lucide qu’aucune issue n’est possible sans violence. Ce constat d’impuissance fait blêmir, d’autant qu’il ne néglige pas, malgré sa brutalité, la finesse d’analyse et qu’il s’évertue à une définition des rôles de chacun, qu’ils soient secondaires ou principaux. À ce sujet, les trois acteurs formidables que sont Damien Bonnard, Alexis Manenti et Djebril Didier Zonga sont d’ores et déjà des concurrents sérieux à l’invention d’un prix : une triple palme d’interprétation masculine.
Olivier Bombarda
On retient son souffle de bout en bout dans ce premier long-métrage d’une maîtrise remarquable. Ladj Ly a le sens de la narration et tisse un récit tendu et haletant, où se raconte l’impasse dans laquelle se retrouve notre société clivée, au bord de l’implosion. Dans le rôle des trois policiers, antihéros de cette histoire, Damien Bonnard, Alexis Manenti et Djebril Didier Zonga épatent, tout comme le reste du casting, jusqu’aux rôles secondaires qui sonnent tous juste. Il y a des séquences dans Les Misérables que nous ne sommes pas près d’oublier – celle du cirque, notamment, et la finale : quelle intensité !
Anne-Claire Cieutat
Ladj Ly prolonge son court-métrage esquisse éponyme d’il y a deux ans, et l’enrichit de personnages et d’intrigues (gitans circassiens coriaces, vol de lionceau, ex-voyou devenu restaurateur ultra-religieux), tout en déplaçant le dérapage central d’un flic à un autre, et la victime d’un gosse à un autre. La tension est toujours palpable grâce à une mise en scène nerveuse, au cordeau, et à un glissement judicieux des affrontements, entre les adultes et les enfants. Résultat : un premier long habile et efficace, qui n’oublie pas sa part d’humanité et d’ambiguïté, et témoin d’une époque : aujourd’hui.
Olivier Pélisson