Deux films japonais, Une affaire de famille de Kore-Eda Hirokazu et ASAKO I & II de Ryusuke Hamaguchi, en compétition et programmés la même journée, auront permis au festival d’apporter un peu de tendresse et d’humanité nipponne.
Une affaire de famille du très prolifique Kore-Eda Hirokazu (après Third Murder sorti en France tout récemment) est le récit d’une famille pauvre qui recueille dans la rue une petite fille de cinq ans, abandonnée et vraisemblablement battue. Elle s’acclimate progressivement à sa nouvelle vie, entourée d’une grand-mère grincheuse et dévouée, à des parents improvisés aussi doux que fantasques (Osamue et Nobuyo) et à un adorable grand frère de 10 ans, expert en débrouille. Tous vivent ainsi au quotidien de petits larcins mineurs opérés dans les commerces du coin, essentiellement pour manger et compléter leurs maigres salaires d’exclus… Toujours très talentueux pour filmer au plus près le monde de l’enfance, Kore-Eda retrouve (enfin !) pour le plus grand bonheur des spectateurs, la finesse de son chef-d’œuvre de 2003, Nobody Knows, une sensibilité extrême qui ne s’affadit jamais, tant la réalité sociale décrite est bien ciselée et préoccupante. L’émotion ainsi est toujours soutenue, les larmes jamais très loin, notamment au travers de magnifiques séquences de réconfort et de leçons de vie avec les enfants. Mais plus encore, prenant le soin de révéler graduellement et par à-coups les ambiguïtés et les failles intimes des adultes, le cinéaste parfait son tableau faussement idyllique sur l’utopie de la famille recomposée.
Sur la même vague de l’ébranlement des cœurs, ASAKO I & II de Ryusuke Hamaguchi s’intéresse au premier grand amour d’Asako et Baku. Lorsque ce dernier disparaît étrangement, la jeune femme est désespérée. Néanmoins, deux ans plus tard, elle tombe nez à nez avec son double parfait… Flirtant allégrement sur les rives du genre fantastique dans le contexte d’un Japon des plus prosaïques, le cinéaste (dont on loue actuellement la série Senses) fait preuve d’un sens du suspense haletant, en même temps qu’il prolonge une vision pénétrante sur le sentiment amoureux féminin, la perte de repères et le sacrifice qu’il engage. Cette perception est d’autant plus déchirante que les deux interprètes, d’une beauté renversante (Erika Karata et Masahiro Higashide) excellent sous le voile de la pudeur asiatique à se mesurer à l’incandescence de leurs ressentis. Captivant de bout en bout et parce qu’elle n’est jamais prévisible, cette histoire d’amour fut l’un des plus beaux rendez-vous sentimentaux de cette édition.