Un amour puissant et chaud en pleine Guerre froide. Mais impossible aussi. C’est le nouveau voyage magnétique auquel invite Pawel Pawlikowski. Célébré à Cannes, il sort enfin sur les écrans.
Après son retour à ses origines polonaises avec le triomphe cinéphile Ida, Oscar du meilleur film en lange étrangère, Pawel Pawlikowski est aux commandes d’un nouveau portrait en noir et blanc, dans la Pologne des décennies passées. Il chante les étapes d’un amour intense et malmené, qui traverse les années et les frontières, de Varsovie à Paris, de Berlin à la Yougoslavie. En filigrane, c’est l’histoire de ses propres parents qu’il célèbre. Un homme et une femme puissamment reliés, mais nourris de l’impossibilité de vivre ensemble. Le long-métrage leur est dédié, et les protagonistes portent leurs prénoms.
Construit par étapes temporelles et ellipses assumées, ce récit ciselé d’une passion séduit, caresse, ravit. La virtuosité narrative et formelle règne. La sensualité aussi. La caméra aime les visages, les voix et les corps de Joanna Kulig et Tomasz Kot, renversants de séduction. Leur incarnation est totale, organique, charnelle, fusionnelle avec leurs personnages, de leurs perles de sueur aux vibrations de leurs cordes vocales. Le cinéaste les enveloppe avec une bienveillance profonde, et leur colle à la peau, au souffle, aux étoffes. Le résultat est bouleversant.
Zula et Wiktor, la chanteuse et le musicien, vivent leurs élans au son d’une musique jazz entêtante, qui fait battre le cœur des images denses de Lukasz Zal. La précision du grain et la profondeur des plans magnétisent l’écran quasi carré du format 1.33. Pawlikowski raconte un monde qui veut empêcher l’individu de vivre sa liberté. La Guerre froide qui retient, qui sépare, qui écrase, qui mutile. Avec sa délicatesse assumée et son art de la séquence comme tableau, ce cinéma crée un espace-temps unique, récompensé du prix de la mise en scène à Cannes en mai dernier. Une expérience à vivre les yeux grands ouverts.