La Croisette comme vivier de nouveaux talents. D’ovnis filmiques aussi. Cette révélation en est l’une des preuves pour la cuvée 2018. Une tentative réussie de documentaire et d’examen familial, dotée d’une forme atypique grâce au parcours de son auteure Anja Kofmel.
Étonnant patchwork cinématographique que ce premier long. La Suissesse Anja Kofmel prolonge son court-métrage d’animation Chrigi (2009), déjà consacré à son cousin Christian Würtenberg. Ici, l’animation est présente, mais se mêle à de nombreuses prises de vues réelles, pour constituer un « anima-doc » très personnel. Comme un petit-cousin helvète du cinéma d’Ari Folman (Valse avec Bachir, Le Congrès). Le protagoniste éponyme est mort en 1992, âgé d’une vingtaine d’années. Anja en avait dix. Son aîné l’intriguait. Journaliste, reporter, il a disparu en plein mystère. Assassiné en tenue de milice étrangère, pendant les guerres de Yougoslavie, en Croatie. Les circonstances exactes en restent incertaines. Ce film en est l’enquête. À travers un montage intelligemment articulé, d’interviews propres, de visites sur les lieux de la tragédie, d’images d’archives, de souvenirs, de pensées, la réalisatrice passe d’un reportage banal et intime à une fresque universelle. Propulsée par la poésie des séquences animées. Le personnage ambivalent cristallise tous les fantasmes d’aventure, d’interventionnisme, de folie, en résonance puissante avec l’état du monde en 2018. Politique, religion, fanatisme, mercenariat, tout est là. La fragilité, l’émotion aussi. Denses. Car Anja Kofmel s’adresse en définitive à son défunt parent. Elle lui rend hommage, avec ses moyens propres et avec la bonne distance, sans complaisance, comme avec ce frère bouleversé et en colère envers celui qui a déboussolé la vie de ses proches. En compétition à la 57e Semaine de la Critique, Chris the Swiss est annoncé sur les écrans pour le mois d’octobre.