Ce film d’animation trépidant avec ses péripéties bien menées retrace avec une grande maîtrise le cheminement d’une émancipation féminine.
Après l’Arctique de son premier long-métrage Tout en haut du monde, Rémi Chayé s’intéresse à la conquête de l’Ouest américain. Il s’attaque ainsi au mythe du western à travers une de ses figures emblématiques. Pour le dessin, il renoue avec son style impressionniste, sans traits de contour, avec des aplats de couleurs qui mettent en valeur les paysages de plaine, les lumières de feux de camp, et les herbes ondulantes.
Nous sommes donc en 1863 en Amérique, en pleine ruée vers l’or. Le film offre en premier lieu une véritable jubilation pour les yeux à la redécouverte sur grand écran de cet univers codifié, dans une nature luxuriante et colorée. De plus, le récit évolue sur un rythme soutenu, sans temps morts, pour une aventure pleine de rebondissements, magnifiée par une partition musicale exemplaire de Florencia Di Concilio, qui mêle le banjo et l’orchestre. Ce voyage trépidant est vécu à la hauteur d’une jeune fille qui brave les dangers pour sa survie, et affronte les hommes qui mènent leur conquête de l’Ouest.
On assiste alors autant à la naissance d’un mythe, à la construction d’un personnage (de Martha à Calamity) qu’au récit d’une émancipation féminine. Tandis que les femmes sont réduites à un rôle assigné (laver le linge, faire la cuisine, assurer la cueillette, s’habiller en robe…), la jeune Martha doit prendre les rênes du troupeau familial après l’accident de son père. Petit à petit elle transgresse les règles établies. Elle opte pour l’allure et les vêtements d’un garçon dans un jeu de rôle alors très amusant. Elle ne prend pas totalement au sérieux son camouflage, comme pour appuyer l’absurdité de la situation. Frondeuse, téméraire, pleine d’audace, elle devient l’étendard d’un discours égalitaire. La voix de Salomé Boulven parvient merveilleusement à incarner ce fort caractère.
La grande force et habileté de ce film est sa double trajectoire qui rappelle celle des films de super-héros (se camoufler pour mieux s’affirmer) : la déconstruction des stéréotypes de genre à travers un travestissement engendre la naissance d’un personnage mythologique. Et Calamity se révèle avec panache.