Un voyage dans le temps et au pays du cinéma, que l’animation élégante et intelligente rend à la fois nostalgique et poétique.
Comment raconter le cinéma en train de se faire, surtout quand le temps de son « présent » remonte à près de quatre-vingt-dix ans ? Pour recréer le plateau d’Intolérance de Griffith, les frères Taviani avaient multiplié les dépenses pharaoniques dans le merveilleux Good Morning Babilonia et recréé les décors aux éléphants géants. Il y a aussi des pachydermes ici, montés sur échasses et provenant d’un rêve, mais ils sont dessinés…
Adapté du roman graphique de Fermin Solis par le réalisateur Salvador Simo et Eligio Montero, le film se concentre sur le tournage de Terre sans pain en 1933. L’histoire de ce documentaire, sur les conditions de vie des habitants des Hurdes, région pauvre et sous-développée d’Espagne, est épique et incroyable. Puisque, voyant toutes les portes se fermer devant lui après le scandale de L’Âge d’or, Buñuel a eu la chance d’être produit par son ami Ramon Acin, qui lui avait promis de le financer s’il gagnait au loto… et qui avait gagné au tirage du 22 décembre 1932 !
Fourmillant d’anecdotes, retraçant le caractère complexe et fantasque de Luis Buñuel, ses incartades et ses lubies, le film bénéficie d’un trait élégant et réaliste. La bonne idée est d’insérer des plans filmés de Terre sans pain, qui rehaussent le récit, lui confèrent sa vérité parfois crue (notamment dans la scène de la chute des chèvres). Et donnent une furieuse envie de se replonger dans l’œuvre du cinéaste iconoclaste.