Bohemian Rhapsody
Le biopic de Freddie Mercury, mené par les anciens de Queen, n’échappe pas à l’hagiographie un rien tiède, mais est résolument sauvé par la musique de sa superstar de chanteur.
Ouverture : quelques notes, une allure inimitable, perfecto blanc, lunettes d’aviateur… Freddie Mercury est dans la place. Et ce ne fut pas une mince affaire. Trois changements d’acteur principal, des réécritures à foison, des producteurs qui valsent, et un réalisateur viré après deux tiers du tournage, il faut avouer qu’on commençait à se dire que ce projet ne verrait jamais le jour.
Un film initié par les deux membres restants de Queen, Brian May en particulier, qui sort donc ce mercredi sur les écrans, frappé du sceau de validation des derniers représentants du groupe mythique.
On commence donc alors que Freddie Mercury est encore Farrokh Bulsara, et qu’il vit avec ses parents dans l’attente que son destin devienne exceptionnel. Parce que Farrokh le sait, il est fait pour la gloire. Et surtout, il vit pour la musique. Quand il propose à deux musiciens de prendre la place de leur chanteur, ils sont étonnés, mais vite convaincus vu sa capacité vocale. Et l’aventure commence. Poussé par les uns et les autres, le groupe devient Queen et enchaîne les tubes, malgré l’adversité et les errances de leur leader. C’est d’ailleurs à cet endroit que le film pêche.
Sans conteste, Freddie Mercury est une « rockstar » au sens presque cliché du terme – ses fêtes sont décadentes, ses excès légendaires. Le film évoque cela, un peu, mais le fait par un biais étrange : il se concentre sur ces moments pour y montrer une star seule et malheureuse. Le « méchant » avec qui il partage sa vie alors est montré sans subtilité, et nourri de clichés homosexuels jusqu’au bout… Avant que Freddie ne revienne dans le « droit chemin ».
C’était pourtant là que se situait l’enjeu principal du film : éviter l’hagiographie, et le consensuel pour raconter l’histoire d’un personnage provocateur et libre, qui a bousculé son époque. Hélas, le film hésite à évoquer ses excès, ses questionnements et ses expériences autour de la sexualité, de la drogue. Ses fêlures sont liées immanquablement à son côté « queer », opposé à un côté « queen », oubliant que c’est le tout qui fait de Mercury un génie incontestable. Même si on se doutait de cette frilosité de la part des studios très hollywoodiens, cette tendance un rien moralisatrice est décevante et on ne peut que se demander ce que ce Bohemian Rhapsody aurait été, mené par un réalisateur plus fort, moins sous influence des deux « anciens ».
Mais le film a un atout majeur : l’interprétation épatante de Rami Malek. L’acteur est Mercury, il l’incarne dans ses plus parfaites expressions, des plus connues, en concert par exemple, au plus intimes, du moins ce qu’on en imagine. Sans verser dans l’imitation, il garde l’essence de ce Freddie Mercury, rockstar à la recherche de la gloire ultime, génie absolu de la musique.
Certes, la garde robe extravagante de Mercury aide un peu, mais il serait dommage de réduire le chanteur de Queen à son perfecto blanc, ses vestes bouffantes ou ses combinaisons moulantes, et l’acteur l’a bien compris.
Et puis il y a la musique, de la première à la dernière scène, presque plus présente que Rami Malek. Et l’on comprend vite pourquoi. Des tubes, du rock, de l’opéra, des rythmes implacables et irrésistibles. L’héritage de Freddie Mercury, c’est sa musique, et elle est plus forte que tout, plus forte que les volontés des uns ou des autres. Impossible de ne pas se laisser emporter par sa dimension opératique, épique même. C’est elle qui confère au film son rythme, et qui le teinte du côté « rock », novateur et provocateur que le scénario et la réalisation semblent vouloir gommer. En résulte un mouvement implacable vers la gloire, vers les cieux. Et les spectateurs en sortant de se jeter sur leurs disques (ou leurs mp3 !), et de se replonger dans leur relation « personnelle » à Freddie Mercury et à Queen, inaltérable.