Brødre : Markus et Lukas de Aslaug Holm rappelle immédiatement Boyhood de Richard Linklater : la réalisatrice norvégienne développe dans son documentaire des intentions similaires et une patience infinie à suivre au plus près l’évolution de ses deux fils sur une période de huit années successives.
Dans la nature majestueuse des environs d’Oslo, Aslaug Holm, documentariste norvégienne émérite, mais également chef opératrice hypersensible, est passionnée par la captation intime du quotidien de ses deux garçons. Elle fait montre d’une distance toujours juste dans cette étude aussi concrète que poétique, se focalisant beaucoup sur son aîné, Markus, et son état d’adolescent. Ce dernier se projette ainsi tour à tour dans les rêveries d’une carrière de footballeur professionnel ou de guitariste d’un groupe de rock, tandis que Lukas, de trois ans son cadet, suit avec émerveillement les expérimentations de son grand frère. La mutation de ses enfants faisant écho aux réminiscences de son propre passé, Aslaug Holm nourrit en parallèle une réflexion sincère et mélancolique sur le souvenir et la mémoire. Par moments ainsi, l’œil derrière la caméra et sa voix de commentatrice attentive s’interrompent, laissant place à des autoportraits fugaces : ces images simples d’une mère amoureuse, toujours vêtue d’une robe verte par-delà les ans, s’imposent frontalement à nous. Elles signent le passage du temps dans un esprit d’équilibre, la réalisatrice ayant choisi de s’exposer elle aussi, pour se dédouaner peut-être de cette caméra parfois trop insistante que Markus ne supporte pas toujours. Et pourtant, même quand il s’agit de traquer dans la salle de bains son ado concentré à se faire beau pour séduire les filles ou de filmer sa honte lorsque son père le découvre l’oreille percée et les cheveux teints « pour faire comme le chanteur de Green Day », il n’est jamais question de voyeurisme. Tout est toujours délicat, fin, émouvant, aussi bien dans la description des trajets individuels qu’au travers des liens fraternels. Le rassemblement de ces petites choses, a priori légères et néanmoins communes à tous les garçons, fait le sel de ce film méditatif, attendrissant et universel sur la beauté de la vie ordinaire.