À force de ruse et d’inventivité, une famille de combinards parvient à se rendre indispensable à une famille bourgeoise et policée. Mais très vite, la belle mécanique se dérègle. Satire sociale et mélange des genres d’une sidérante virtuosité, Parasite, justement récompensé d’une Palme d’Or, comble toutes nos attentes… et les dépasse.
La première Palme d’Or pour la Corée du Sud décernée à Parasite récompense enfin les grandes ambitions de Bong Joon-ho, réalisateur fermement ancré dans le cinéma de genre (polar, fantastique, SF, thriller…), dont la personnalité transpire à chaque plan. Mais revenons sur son intrigue (sans trop la dévoiler pour respecter les volontés de son auteur) : rois de la combine et de la débrouille, Ki-taek, son épouse et leurs deux enfants vivent très chichement dans un sous-sol crasseux, sans cesse à la recherche d’expédients. Tout change quand le fils, Ki-woo, se voit proposer par un ami de donner des cours d’anglais à l’aînée d’une famille très bourgeoise, les Park. Il est bientôt rejoint par sa sœur, puis ses parents, qui, sous de fausses identités, et par des procédés plus que discutables, parviennent à se rendre indispensables aux Park. Jusqu’à ce que leur stratagème trop bien huilé se grippe. C’est ce grain de sable humain qui fait tout le prix du septième long-métrage de Bong Joon-ho.
Mécanique en tous points brillante, de son écriture à l’interprétation, en passant par une mise en scène au cordeau, Parasite est justement encore plus passionnant quand tout se dérègle. On aurait pu se contenter, en effet, du programme annoncé, mélange de comédie sociale, de thriller et de slapstick, mais le réalisateur de The Host dépasse nos attentes grâce au regard qu’il porte sur tous ses personnages, sans exception.
Qu’ils soient riches ou pauvres, roués ou naïfs, ou tout simplement stupides, ils ne sont jamais regardés de haut par le réalisateur. On savait déjà que l’immense Song Kang-ho (Memories of Murder, Secret Sunshine, JSA) possédait une palette de jeu à même de satisfaire les réalisateurs les plus raffinés, mais c’est ici l’ensemble de la troupe de comédiens qui s’accorde avec une incroyable justesse à la complexité des affects décrits par le cinéaste.
Leurs personnages rejoignent la famille brisée de The Host, les passagers / prisonniers du Snowpiercer et même les protagonistes du moins réussi Okja dans la très cohérente filmographie d’un cinéaste qui sait s’adresser à un public de plus en plus vaste sans jamais concéder un pouce de ses ambitions d’auteur.