Barrage

Jeu de rôles 

Premier film d’une jeune réalisatrice luxembourgeoise, Laura SchroederBarrage est centré sur les relations mère-fille : un film réussi qui dépasse le simple cadre de la fiction.

Catherine (Lolita Chammah), une trentenaire, revient chercher sa fille Alba (Thémis Pauwels) qu’elle a laissée pendant dix ans à sa propre mère, Élisabeth (Isabelle Huppert). Les relations sont difficiles à renouer avec Alba, d’autant qu’Élisabeth affirme clairement son manque de confiance en Catherine à assumer son rôle de mère. Contre toute attente, cette dernière décide de prendre les choses en main…

Sur ce sujet délicat lié à la maternité, la réalisatrice avance doucement ses arguments, cramponnée à l’évolution de son héroïne, Catherine. Cette dernière s’avère dans un premier temps assez réservée, en retrait, paralysée par un chat dans la gorge face à sa petite fille chiffonnée. Puis elle prend progressivement son envol et affiche les caractéristiques d’une personnalité plurielle, atypique, parfois subversive. Car la vraie révélation de cette histoire, c’est bien elle, Catherine et son interprète indissociable, Lolita Chammah, une rencontre avec un personnage qui donne à découvrir la palette affriolante et les tonalités insoupçonnées de l’actrice.
La relation que Catherine entretient avec Alba, petite fille spontanée aux ressentis orageux, lui donne bien du fil à retordre. Elle n’est jamais aussi touchante que lorsqu’elle est contrainte à jouer les fausses connivences ou l’indifférence pour mieux séduire son enfant. Et Catherine est prête à tout car il s’agit aussi pour elle de reconquérir son estime d’elle-même et celui de sa propre mère, Élisabeth.

Le choix d’avoir confié le rôle d’Élisabeth à Isabelle Huppert, vraie mère de Lolita Chammah dans la vie, confine ainsi à ce triangle épineux une dimension supplémentaire proprement salutaire et étonnante. Le spectateur constatera combien, par endroits, Catherine lui ressemble de manière stupéfiante et combien elle s’en éloigne le plan suivant. De cette formule et de ces jeux de miroir incessants, il ressort des vérités indicibles et instinctives qui offrent à ce film, au-delà de la narration, une alchimie troublante.