À Phnom Penh, Mirinda est un travesti français qui se prostitue. Ami avec une inspectrice missionnée pour retrouver des criminels khmers rouges, Mirinda cherche lui aussi à vaincre les injustices qui l’entourent. Sa rencontre avec une petite fille vouée à l’esclavagisme sexuel le poussera à l’action. Un film sauvage et délicat.
Les errances des prostitués cambodgiens se passent avant l’aurore. Avant les premières lueurs du jour, quand les corps s’entrelacent et se soumettent l’un à l’autre. À l’aube, lorsque le soleil illumine l’horizon d’espoirs nouveaux. Mirinda vit dans cette temporalité. Il se veut désirable, porte des mini-jupes et se maquille pour attirer des clients. Il court après une jeunesse qui s’échappe de sa peau, très tirée. Il ne rêve à rien, jusqu’au jour où il prend sous son bras une Cambodgienne mutique, dont le destin lui rappelle cruellement le sien : elle vend son corps d’enfant à des adultes. Mirinda cherche alors une issue pour l’une et l’autre.
Deux paumés qui se trouvent, deux êtres éloignés par la langue et l’âge qui cheminent ensemble : voilà un ressort dramatique qui a déjà fait ses preuves, mais qui fonctionne encore, dans ce film réalisé par Nathan Nicholovitch. D’origine française, le metteur en scène nous plonge dans un univers qui lui est étranger, avec un souci de réalisme louable. Un monde oriental à l’opposé de l’image d’Épinal, dans lequel les dangers liés à la mafia ou au proxénétisme ne laissent pas de répit aux plus pacifistes.
Comme dans L’Intouchable de Benoît Jacquot, où une Française découvre l’Inde, le mot « immersion » prend ici tout son sens. L’illusion du documentaire sous-tend même le propos. La caméra, au plus près de Mirinda, le dévoile de dos, nu ou encore en pleine fellation ; les gros plans condamnent à rappeler le peu de liberté dont il dispose.
Plus qu’un film à récit, Avant l’aurore repose sur une mise en scène âpre et sensible. Une photographie toujours bercée d’obscurité, et une présence des corps dans le cadre remarquable. Sûrement parce que David d’Ingéo et Panna Nat, qui interprètent respectivement Mirinda et la fillette prostituée, font preuve d’une incroyable cinégénie. Leurs émotions transparaissent dans leurs gestes et à travers leurs silences. Le lien qui les unit s’appuie sur l’animalité de leur comportement : l’un s’éloigne quand l’autre approche, pour ne se comprendre que lorsqu’ils s’enlacent. Cette valse des chairs et des sentiments nous emporte dans sa ronde.
Mais, quand les yeux se lèvent au-delà de la piste de danse, la confusion s’installe. L’histoire de leur vie ne se mêle pas facilement avec l’Histoire du pays, pourtant essentielle au scénario. L’intrigue de la chasse aux Khmers rouges et aux proxénètes reste en effet à moitié comprise.
Ce n’est donc pas par son enseignement de connaissances historiques qu’Avant l’Aurore se démarque, mais bien par la radiographie toujours émouvante d’un amour naissant.