Une journaliste japonaise et son équipe télé errent en Ouzbékistan en attendant de trouver un animal rare. Kiyoshi Kurosawa s’amuse avec ce sujet aussi minimaliste que déconcertant et signe un pur film de mise en scène.
Il est vraiment impossible d’anticiper les mouvements de Kiyoshi Kurosawa. Après son premier film tourné en français (Le Secret de la chambre noire) et deux variations SF et philosophiques sur la question de l’identité et des émotions, (Avant que nous disparaissions et Invasion), le réalisateur de Cure se rend en Ouzbékistan pour suivre Yoko, une journaliste japonaise accompagnée par une équipe de télévision, qui tente de produire, sans grand succès, un reportage sur un animal marin rare. Cette fiction, intitulée Au bout du monde, ne ressemble pas à grand-chose d’autre qu’un film de Kurosawa, justement. Avec son scénario très lâche (faute de trouver le fameux animal, l’équipe erre dans le pays pour tourner des images insolites), le film appartient à la veine en apparence nonchalante du cinéaste, celle des Jellyfish, Vaine Illusion ou License to Live. Comme dans ces films, la trame narrative, très vite accessoire, est un terrain de jeu pour Kiyoshi Kurosawa, qui, par la grâce de sa mise en scène, transcende des scènes qui eussent été anodines chez d’autres. Car sa mise en scène est la véritable vedette de ce film au budget qu’on devine très léger. Ainsi, pour sa jeune héroïne japonaise perdue en Ouzbékistan, un simple voyage en bus ou une errance dans un marché donnent lieu à une véritable scène de suspense. Et l’étroitesse même des moyens de production induit la scène la plus drôle et la plus riche en symbole du film : pour les besoins d’un reportage, Yoko est forcée d’ingérer un plat immangeable tout en mimant un plaisir destiné à ses futurs téléspectateurs. À l’image d’un Kurosawa, dont la devise du cinéma, aussi minimaliste que fascinant, pourrait être « less is more ».