Le renouveau du cinéma algérien est là. Le premier long-métrage de Karim Moussaoui éblouit par sa virtuosité narrative, sa richesse d’âme et sa beauté aride. Il offre un instantané saisissant d’une nation au terreau meurtri et aux rêves en attente.
Coproduction entre la France, l’Allemagne, l’Algérie et le Qatar, En attendant les hirondelles en met plein les mirettes. Sans esbroufe et avec une subtilité infinie. Ce premier long-métrage est une magnifique ode à l’Algérie, à travers trois récits qui prennent son pouls aujourd’hui. Nourri de son passé récent, Karim Moussaoui déroule un fil narratif qui passe d’un destin à un autre, pour finalement donner une vue d’ensemble sur le pays. Un trio de moments étalés sur une même semaine, où les personnages piliers de la première et de la troisième partie se croisent brièvement, et échangent sur des problèmes neurologiques. De la réflexion sur le bon fonctionnement du cerveau et du corps. Belle métaphore. C’est sur la durée de chaque séquence, de chaque enjeu, et sur leur construction par enchaînement, que le cinéaste excelle. Sur les visages marqués ou juvéniles, cadrés dans une vérité magnétique. Auréolé d’un prix à Clermont-Ferrand et d’une nomination au César du court-métrage pour Les Jours d’avant, il fait un saut dans le temps d’après l’horreur de la décennie noire, là où ce court s’arrêtait justement. Il chante la perte de repères qui perturbe et qui revient en boomerang quand on enfouit les traumatismes en les masquant. Rêver du meilleur, du confortable ou du différent, ici ou ailleurs. Mourad, Aïcha, Djalil, Dahman traversent les époques de la vie, ont déjà bien bourlingué, ont des choix à faire, ou doivent assumer leur âge adulte. Un tissage savant et vivace, qui enserre les un(e)s aux autres.
Moussaoui et sa scénariste Maud Ameline bouleversent par leur sens de l’humanité, questionnée, ébranlée par les accidents existentiels et les failles du passé. Être témoin d’un tabassage ou avoir été témoin d’un viol. Et garder le silence. Aimer un autre que celui auquel on est promise. La poussière des villes et des routes trouble la vue. L’aridité des Aurès fascine et révèle les êtres à eux-mêmes. La traversée géographique du pays ajoute à la radiographie d’une nation et de son histoire. Et les corps emportent par leur résistance, par leur marche malgré tout, par leur danse généreuse, dans un salon d’hôtel, dans une fête de mariage ou dans des paysages soudain peuplés d’une fanfare et d’une chorégraphie revigorantes. Le renouveau du cinéma algérien est là.