Décapante découverte que ce premier film loufoque venu de Turquie. Comment un couple sans enfant outrepasse la honte sociale de l’infertilité et de l’adoption en faisant croire à une vraie grossesse, dans les filets d’une laborieuse bureaucratie.
Mehmet Can Mertoglu fait son entrée dans le champ du long-métrage avec un humour détonant et un regard acerbe sur le monde. Une révélation récompensée à Cannes il y a un an, lors de sa présentation en compétition à la Semaine de la Critique, où il reçut le Prix Révélation France 4. Depuis, il a fait le tour du monde des festivals, et glissé son burlesque dans de nombreux esprits. Le jeune réalisateur turc distille en effet un ton gaguesque le long de son récit singulier. Celui du parcours du combattant discret d’un homme et d’une femme, proches de la quarantaine, qui veulent plus que tout pouvoir adopter. Compliqué dans une société où la stérilité et l’adoption font tâche. Alors il vaut mieux s’inventer une vie. Celle d’une grossesse mise en scène en de nombreux clichés et dans une ribambelle de décors.
De la saillie initiale entre bestiaux à la scène finale en pleines eaux, le spectateur navigue entre le fou rire et l’humour noir. Le couple multiplie les subterfuges pour mener à bien son dessein, discrètement mais sans complexe. En découle des scènes tordantes de dialogues incongrus et de situations ubuesques. Qui lorgnent aussi vers le malaise. Mais toujours avec un rythme alangui, moulé sur la langueur bureaucratique et l’hypocrisie sociétale. Avec aussi un racisme latent, ordinaire. Une expérience sur le fil, audacieuse, pour cette mise en abyme de la mise en scène. Car Mertoglu aime jouer des cadres et des décadrages, et raconter le monde en le distordant, pour mieux en saisir la substantifique moelle. Avec un regard fin et pénétrant.