Un jeune prodige letton réalise seul son premier long-métrage d’animation : Ailleurs est un voyage initiatique et une véritable ode à la nature. Un film à la fois doux et spectaculaire.
Faire un film d’animation tout seul. D’aucuns en auraient rêvé, Gints Zilbalodis l’a fait. Et Ailleurs (prix « Contrechamp » au festival d’Annecy 2019) porte parfaitement son nom, tant il vous transporte dès ses premières images accompagnées d’une bande sonore enveloppante.
Au fil d’un long plan simulant une caméra portée, façon Alfonso Cuaron ou Martin Scorsese, le spectateur traverse un épais brouillard de sable. Il aperçoit, dans un même élan, la silhouette d’un arbre en plein désert, sur laquelle sont suspendus un parachute et un adolescent, jusqu’aux détails du visage de ce dernier, s’éveillant en très gros plan. Soudain, un monstre noir gigantesque s’approche de lui et l’engloutit. À peine l’enfant parvient-il à s’extraire qu’il est pris en chasse par le géant. Courant à perdre haleine, le petit pénètre une arche mystérieuse où, par chance, son poursuivant s’ immobilise net, restant interdit. De son côté, le môme a tout loisir d’explorer le lieu inédit qui s’offre à lui : il découvre la nature florissante d’un éden miraculeux…
Prodige de 26 ans, Gints Zilbalodis a déjà réalisé plusieurs courts-métrages, utilisant des techniques d’animation diverses. Autodidacte, reconnaissant n’être pas un génie du dessin, il a opté pour la 3D afin de réaliser Ailleurs, un labeur intense de trois ans et demi avec un budget et des moyens de production extrêmement limités. Si l’on note des imperfections (l’aspect parfois anguleux des matières, des mouvements systématiques propres au numérique), elles ne gâchent jamais le spectacle, l’impulsion et la fluidité du récit. Le film procure une joie irrésistible dans son évocation d’un monde imaginaire proche d’artistes hors du commun, tels Hayao Miyazaki (dont Zilbalodis évoque l’influence de la série Conan) ou Moebius (Edena), au même titre que certains jeux vidéo indépendants, Journey et Shadow of the Colossus en tête. Ailleurs est ainsi l’invitation d’un héros muet à observer une faune irréelle et chatoyante, à ressentir de l’émerveillement en s’y perdant, selon une temporalité langoureuse toute nipponne. Et cette variété de découvertes n’est jamais exempte d’accélérations ! La réussite d’Ailleurs tient beaucoup à sa simplicité et à la musicalité que Gints Zilbalodis sait lui apporter, composant, seul là encore – alors qu’il n’est pas plus musicien que dessinateur – une partition électronique minimaliste, tour à tour planante, tendue, hypnotique. De cette trajectoire emplie de suspense, le spectateur retire la sensation mixte d’un hommage aux anciens et d’un grand bol d’air frais dans l’univers fantastique.