Le scénariste et réalisateur Laurent Larivière (Je suis un soldat) signe dans ce deuxième long-métrage singulier et sensible, un beau portrait de femme aux prises avec ses souvenirs, doublé d’une réflexion très subtile sur la manière dont la fiction nous aide à vivre.
Dans le flot d’images souvent formatées pour la télévision qui nous sont données à voir, celles que signent Laurent Larivière et son équipe dans À propos de Joan se distinguent et viennent percuter notre rétine. Dès son préambule face caméra, dans lequel Isabelle Huppert apostrophe le spectateur, une tonalité inattendue dynamise notre attention. Brisant d’emblée le quatrième mur, Laurent Larivière ne joue pas la carte de la distanciation pour autant et nous embarque dans un récit romanesque, qui tisse le passé au présent, l’Irlande et la France, la ville et la campagne, en suivant des chemins escarpés.
Visuellement, son esthétique très soignée – certaines séquences sont absolument somptueuses – ose les contrastes, l’hybridation, au risque de nous désorienter. Dans son récent hommage à Catherine Deneuve à la Mostra de Venise, Arnaud Desplechin eut ces mots inspirés : « Le cinéma comme la vie ne sont jamais si beaux que lorsqu’ils sont impurs ». Chaque centimètre d’À propos de Joan, précisément, est travaillé par cette impureté et nous renvoie aux petits arrangements que chacun fait avec soi-même pour composer avec l’existence, l’adversité, les déceptions, les chagrins.
Dans le rôle de Joan Verra, Isabelle Huppert, irradiante, semble jubiler. Son personnage, comme elle, joue à chat avec le réel et flirte avec le vertige. Pour l’actrice virtuose, il est aisé d’imaginer la joie d’embrasser pareille partition. Autour d’elle, Florence Loiret-Caille, Swann Arlaud, Lars Eidinger, comme le casting irlandais dans son ensemble, font preuve d’audace et apportent chacun leur forte présence à l’écran. En résulte un récit fait de méandres labyrinthiques, qui raconte avec finesse la fragilité de nos existences, la puissance de l’amour, et la place considérable que tiennent l’imaginaire et la fiction dans nos vies, impures, par essence.