90’s

Kid Hill, autoportrait en jeune homme

L’acteur Jonah Hill réveille, d’une écriture énergique, l’auteur qui est en lui. Comme un Larry Clark cool, un Gus Van Sant apaisé. Il signe un premier film générationnel, au trait autobiographique.

Retenez bien ce nom ! Sunny Suljic. Un kid de Roswell, Géorgie, États-Unis. On l’avait découvert à Cannes, dans La Mise à mort du cerf sacré de Yorgos Lanthimos (rôle de Bob). Il jouait aussi dans Don’t Worry He Won’t Get Far On Foot de Gus Van Sant (rôle d’un enfant en skate) et La Prophétie de l’horloge de Eli Roth (rôle de Tarby Corrigan). Sunny Suljic a 13 ans, c’est un super skateur, avec un compte Instagram de star, plus de deux centaines de milliers d’abonnés. Sur les photos avec Jonah Hill, on est frappé par leur air de ressemblance. Non pas que le kid soit son double conforme, mais il dégage la même force vulnérable que Jonah Hill.

On ne le présente plus, lui, Jonah Hill, 35 ans et déjà une longue carrière d’acteur, chez Gus Van Sant, Scorsese, Tarantino, les frères Coen, Harmony Korine, plus de soixante films, mineurs ou majeurs, et deux nominations aux Oscars. Jonah Hill savait qu’un jour il réaliserait un film et que ça lui prendrait plusieurs années. Faire l’acteur, pour lui, c’était fréquenter une école de cinéma extraordinaire. Jouer, observer, attendre. « J’ai toujours voulu écrire et réaliser un film », dit-il.

Jonah Hill a bossé dur pour 90’s. Travaillé et retravaillé son scénario, sur lequel Spike Jonze a jeté un œil critique. Quatre ans de travail et un compagnonnage avec le scénar, que Hill avait fini par considérer comme son « meilleur ami ». L’acteur dit qu’il a voulu raconter une histoire, que cette histoire ne le raconte pas. Mais quand il parle de son film, il explique qu’il lui a été inspiré par sa jeunesse à Los Angeles, quand il était dingue de skate et qu’il aurait tout donné pour réussir les figures que les autres faisaient. Le kid Hill a rassemblé ses souvenirs dans ce film, ses rêves de gosse, qui voyait dans les bandes de la rue la possibilité de se trouver une autre famille et de s’inventer une vie bigger than life. Pas lui, mais quand même, il a recréé pour son film le tribunal de LA où il passait sa vie, le tribunal « avec les graffitis et tout ce qui s’y retrouvait à l’époque ».

90’s, à l’évidence, c’est son autoportrait en jeune homme. Et Sunny Suljic, qui lui ressemble, c’est le kid Hill. Quel acteur ! Suljic joue Stevie qui grandit dans le film, au fil d’un récit d’apprentissage vibrant ­- il découvre l’amitié, la sexualité, l’alcool, la liberté -, mais ce que l’on voit aussi, c’est grandir l’enfant-acteur doué. Sunny Suljic est un môme épatant, rayonnant. Autour de lui, pour former la petite bande, Jonah Hill est allé chercher des super skateurs, dont c’est le premier rôle au cinéma, ce qui ne se voit pas. Ils s‘appellent Na-kel Smith, Olan Prenatt, Gio Galicia, Ryder MacLaughin, ils skatent comme des dieux, ils sont charismatiques, attachants, et nous aussi, on voudrait être le pote de ces gars-là.

Comme un Larry Clark cool, un Gus Van Sant apaisé, voire même un Martin Scorsese du temps de Mean Streets, Jonah Hill filme superbement cette jeunesse à la verticale de l’été californien, sous une lumière sublime. Il filme Sunny et ses amis dans un réalisme qui ne s’embarrasse pas de clichés falsificateurs. L’état brut d’un teen movie très personnel.