Complexe, ample, superbement écrit, 3 Billboards, les panneaux de la vengeance est le genre de film capable de nous réconcilier avec le genre humain, dans ce qu’il a de meilleur et même de pire.
Quelque part, à l’extérieur d’Ebbing, dans le Missouri. Il y a 7 mois, la fille de Mildred, qui tient une petite boutique de souvenirs, a été violée et assassinée. Mais depuis, l’enquête piétine. Alors, Mildred prend les choses en main. Elle loue l’espace publicitaire de trois panneaux géants sur la route, près de chez elle, et y affiche des messages demandant des comptes au chef de police local, apprécié de tous.
Depuis son prix du scénario au dernier festival de Venise, 3 Billboards, les panneaux de la vengeance (Three Billboards Outside Ebbing, Missouri) n’en finit plus de déclencher dithyrambes et enthousiasme partout où il passe. Et pour une fois, il sera judicieux de se fier à la rumeur : oui, le film de Martin McDonagh (Bons Baisers de Bruges) est aussi original que formidable, aussi généreux qu’intelligent et profondément touchant.
Impossible, également, devant ce film d’un incroyable talent à saisir ce qui dans la vie reste gris, tant dans les moments les plus dramatiques que les plus quotidiens, de ne pas penser à une version lumineuse et féminine de Manchester by the Sea (l’autre succès surprise du cinéma américain en 2016). Car, si ce dernier focalisait sur un homme, terrassé par la disparition de ses enfants, et réfléchissait sur la condition humaine, 3 Billboards procède de la même démarche, mais à partir d’une femme, sorte d’anti-Erin Brokovich, dont la douleur est tellement forte qu’elle ne peut être que dans l’action, la détermination, la froide, solitaire et violente assurance. Mais surtout, ce que le film vise à travers elle, c’est aussi l’Amérique entière, celle du politiquement correct, des lâchetés, des bassesses, des hypocrisies quotidiennes à qui cette femme, superbe super-héroïne des temps modernes, va donner un retentissant coup de pied au derrière. Ni jubilatoire, ni cathartique, mais impressionnant. Car si Mildred va trop loin, si elle s’aliène la terre entière pour que ses cris soient entendus, elle le fait en restant droite, digne, fière.
Sur chaque personnage (le chef de police, magnifiquement interprété par Woody Harrelson, l’agent de police – peut-être une des courbes dramatiques les mieux réussies du cinéma américain des dernières années – que Sam Rockwell rend aussi intense qu’émouvant), le scénario de 3 Billboards va alors travailler dans la dentelle, révélant leurs puissances, leurs bontés, leurs contradictions, leurs ambiguïtés. À la mesure d’une telle finesse et d’une telle puissance mêlées, bouleversante et badass, Frances McDormand semble née pour jouer Mildred. Mais mieux encore, c’est le film entier qui est à la mesure des bouleversements sociopolitiques que nous vivons chaque jour. En leur donnant la plus stimulante et belle réponse qui soit : oui, les spectateurs autant que les citoyens sont des êtres doués de cœur et d’intelligence et doivent être traités comme tels.