Cinéaste de la sensorialité sophistiquée, Luca Guadagnino lâche du lest et chante la nostalgie de l’été et de la jeunesse avec son nouveau long-métrage. Il booste au passage la présence à l’écran de Timothée Chalamet, qui porte le film en fils de famille en pleine révélation amoureuse.
Confirmé internationalement par ses opus avec Tilda Swinton –Amore et A Bigger Splash– le transalpin Luca Guadagnino continue de voyager en terre de cinéma, au service du désir, loin d’une pure italianité. Il filme en plusieurs langues, des acteurs de diverses nationalités, et des personnages aux trajectoires bigarrées. Tous échappent aux diktats, pour l’existence qui s’ouvre à eux, ou pour un moment, pour la parenthèse narrative du film. Il y a du Bertolucci, du Visconti, et du Zurlini dans son geste créatif. Du Bernardo, pour la peinture de la jeunesse qui s’affirme et se révèle dans son désir. Du Luchino, pour le soin apporté à l’esthétique et pour la peinture d’une société revenue du passé et portée par le raffinement. Du Valerio, pour la captation d’une nostalgie à la fois simple et bouleversante. Une association de tonalités qui fonctionne.
Cette adaptation du roman américain éponyme d’André Aciman paru en 2007, et publié sous le titre Plus tard ou jamais en France, est signée par le cinéaste aîné également étasunien James Ivory, ici “simple“ scénariste. On reconnaît ce qui fait le sel de l’auteur de Chambre avec vue, Maurice, Retour à Howards End ou Les Vestiges du jour, et cette “vieille Europe“ comme cadre idéal des élans du cœur et des aléas du destin. Villa du 17e, musique classique, goût des civilisations… Guadagnino y injecte ses racines italiennes et son lien à une terre locale, à la fois insolente et ancestrale. La nature nord-italienne est épanouie. L’eau abonde. Et la révélation amoureuse qui saute au visage d’Elio et Oliver prend du relief, avec les pierres qui défient le temps, celles des fouilles archéologiques du lac de Garde, des grottes de Catulle, mais aussi dans les rues lombardes de Crema ou Bergame…
Par la simplicité du regard sur un garçon de dix-sept ans qui s’amuse puis se trouble, et sur un jeune homme de vingt-quatre ans qui assume de se laisser aller à l’imprévu, par la complicité bienveillante de parents témoins en direct de l’éveil sensuel de leur enfant, par la totale absence de complaisance et de facilité dans le traitement d’une rencontre initiatique et bouleversante pourtant mille fois vue en fiction, Call me by your name émeut. Il y a même de la fraîcheur dans cette chronique amoureuse au parfum suranné juste ce qu’il faut. Parce que le cinéaste laisse diffuser le sentiment dans la toile de sa maîtrise formelle, du bruissement dans les feuilles aux sonorités pop de tubes du début des années 80, de la fluidité générale à la limpidité de l’image de Sayombhu Mukdeeprom. Un bain bienfaiteur.