Mai 68, par ceux qui l’ont fait, par ceux qui l’ont regardé. Andrieu et Kebadian remontent le temps et leurs images, ainsi que celles de quelques camarades. Passionnant.
On les connaît, les images de mai 68. Il y en a peu, finalement : l’ORTF n’a pas pointé ses caméras (sur demande du général de Gaule), seuls ont filmé les étudiants en cinéma et quelques quidams. Et les images en noir et blanc que l’on nous montre, d’anniversaire en commémoration, sont toujours un peu les mêmes : pavés, matraques et échauffourées, débats en amphis et dans les usines. Et puis les têtes connues des meneurs, Cohn-Bendit, Geismar, Sauvageot…
Ici, il y a tout ça, mais il y a plus. Il y a l’ordre de ce désordre (le film est chronologique) ; on comprend à la fois sa naissance et son ampleur, l’onde qui se propage, la nécessité de partir de la base : étudiants, ouvriers… Il y a les gens que l’on reconnaît, bien sûr, les trois précités, et Jean-Louis Barrault et Julian Beck à l’Odéon, et Jacques Higelin derrière son piano… Mais il y a, surtout, ces hommes et ces femmes anonymes qui prennent la parole, certains pour la première fois, qui sont simples et puissants, dont le discours vous capte immédiatement.
En revenant aux sources de leurs images et de celles tournées par quelques camarades (Jean-Pierre Thorn, Pierre-William Glenn, le groupe Medvekine…), par la pertinence du montage (signé Maureen Mazurek, et, pour le son, Laure Budin), sans autres commentaires que les voix off d’époque et quelques paroles échangées, les deux réalisateurs signent un document inestimable. Qui raconte une réalité, la place des femmes, celle des immigrés, en narrant un mouvement, une révolte, une révolution ou peut-être les trois à la fois. Qui dit à quel point la croyance était totale, joyeuse, inébranlable… même si on connaît la fin. Et montre un refus d’écrasement des petits par les gros, qui rappelle d’autres luttes en écho. Car, souvenons-nous : ce n’était qu’un début…