Rob Marshall rallume le réverbère de l’émerveillement en apesanteur de Mary Poppins. Une copie ? Un bis repetita. La vieille école Disney pour tous les âges.
Mary Poppins descend du ciel et c’est comme si elle n’avait pas quitté la terre. Elle arrive, tirée des nuages au bout d’une ficelle de cerf-volant, par la nouvelle génération des petits Banks, et voilà que tout se remet en place : l’ordre du réel et la magie des mondes parallèles ; les prises de vues live et les images animées enluminées.
L’ancien temps et le nouveau temps se confondent : Mary Poppins n’a pas vieilli depuis 1964, et qu’importe si Emily Blunt, flottant dans cette bulle temporelle, a pris le rôle de Julie Andrews sous le parapluie de la super nanny volante. Elle ou elle : toutes deux sont mêmement merveilleuses. Un air indémodable est rejoué : c’est la même comédie musicale qui met ses pas dans l’allégresse émerveillée de la première, rentre dans la ronde rythmée de séquences dansées, avec un méli-mélo de chansons sucrées et sautillantes.
C’est rétro, c’est nostalgique, c’est nouveau par le seul numérique qui fait ses grands effets. Rob Marshall n’est pas un réalisateur moderne : il décalque l’esprit de l’original devenu culte, il reproduit dans les codes le divertissement de la vieille école Disney, avec fin très heureuse et optimisme forcené. Le réalisateur de Chicago, Promenons-nous dans les Bois avance dans la plus pure tradition, avec cette vraie fausse suite des aventures de la plus célèbre des nounous anglaises. Il est dans l’imitation bien faite de la version originale, habile reproducteur de savoir-faire avec mécanique.
Est-ce qu’on aime cette suite conservatrice, qui sonne comme un hommage appliqué, de fabrication fidèle ? Oui. C’est emballant, sous la jolie poussière. La vieille magie a un charme indéniable. Et qu’on soit des enfants d’hier ou des enfants d’aujourd’hui, c’est le même rêve qu’on refait : le rêve de s’échapper du monde, de toucher les nuages, de nourrir les oiseaux, de croire à la magie, de rester innocent et joyeux pour une éternité inflexible. Oui, Mary Popins est de retour et elle nous réenchante, bonne fée consolatrice. Et puis, il y a Meryl Streep qui fait un petit rôle haut en couleurs, dans le rôle de Topsy, la cousine fantasque de Mary Poppins : elle nous met la tête à l’envers, nous renverse avec jubilation dans son atelier de réparation tout sens dessus dessous. Et puis il y a le voisin amiral, David Warner, tireur de canon aussi entêté qu’un délicieux comique de répétition.
Il y a souvent des miracles dans les contes et dans le cinéma, mais Mary Poppins, c’est le pompon ! Elle tient du prodige. La super-nanny aux pouvoirs surnaturels et extraordinaires, l’ange gardien de la famille Banks, a été rendue un peu plus douce par une jeune actrice venue du théâtre, Julie Andrews, dans la comédie musicale de Disney qui aura été le dernier projet du père Walt, réalisé par Robert Stevenson. Mais Mary Poppins, qu’on adore, quel caractère ! Sévère, guindée, sèche, incommode, jamais sentimentale, jamais à s’épancher. Une magicienne, peut-être, mais si droite !
A la fin du premier film, Bert, que jouait Dick Van dyke qui reparaît dans le film de 2018 - il est le seul comédien revenu de la première version, Julie Andrews ayant poliment décliné- disait au revoir à Mary Poppins. « Ne restez pas trop longtemps à l’écart ». S’il aura fallu plus d’un demi-siècle pour qu’elle revienne, c’est qu’il aura fallu que Disney décide d’une nouvelle production façon Broadway. C’est aussi que l’auteur et créatrice de Mary Poppins, l’atrabilaire romancière P.L Travers, ne voulait pas de suite. Déjà que la première adaptation avait été un cauchemar impossible pour Walt Disney, comme l’avait génialement raconté John Lee Hancock dans Dans l’ombre de Mary (2014), avec Tom Hanks en Walt, Emma Thompson en P.L. Travers. Le retour de Mary Poppins, tiré du deuxième livre de ses aventures, elle n’y aurait jamais consenti de son vivant. Elle n’est plus là pour empêcher le miracle de la résurrection de l’un des plus attachants personnages du cinéma de l’enfance.