Nuestras madres vibre d’une émotion puissante. Les premiers pas de Cesar Diaz dans le long-métrage lient un récit intime à un trauma collectif. Avec pudeur et force, le classicisme de sa mise en scène embarque.
Premier long-métrage de l’histoire à représenter le Guatemala sur la Croisette, Nuestras madres marque aussi les débuts du cinéaste belgo-guatémaltèque Cesar Diaz dans la cour des grands. Sa première œuvre a entamé un brillant parcours à Cannes, en décrochant la convoitée Caméra d’or, mais aussi le Prix SACD et le Grand Rail d’or à la 58e Semaine de la Critique. Pas gagné pour un récit qui fouille les ombres d’une nation meurtrie, et qui révèle avec délicatesse les restes des disparus d’un génocide inscrit dans l’ADN de son peuple, sans esbroufe ni coup de force stylistique.
L’émotion naît progressivement de l’enchaînement de scènes simples et pourtant denses. Il s’ouvre et se referme sur la reconstitution d’un corps, avec une précision scientifique saisie en plongée, dont la simplicité laisse surgir la vibration humaine. Entre les deux, le réalisateur bâtit le double mouvement d’un jeune anthropologue dédié à sa mission professionnelle, mais aussi poussé par sa détermination personnelle. Un travail d’identification des ossements des êtres balayés par la folie assassine. Une quête de la paternité et de la filiation aussi, qui devient le symbole puissant de tout un pays.
En manque de père, et en lien viscéral avec sa mère, le héros avance, défriche, exhume, écoute et accompagne les défunts comme les survivantes. Les femmes résilientes d’un territoire oublié du monde et des médias. Des anonymes, à qui l’honneur est rendu par des gros plans emplis d’un silence qui en dit long. En formant un duo bouleversant avec les acteurs mexicains Armando Espitia et Emma Dib, Diaz célèbre la terre d’où il vient, mais aussi le socle commun de l’humanité : la dignité, qui peut enfin s’épanouir, d’une confession dans un tribunal à des aveux souterrains sur le sable, face une autre immensité, celle de l’océan.