Caméra d’or 2019 à Cannes, Nuestras madres vibre d’une émotion puissante. Les
premiers pas de César Diaz dans le long-métrage lient un récit intime à un trauma
collectif. Avec pudeur et force, le classicisme de sa mise en scène embarque.
Premier long-métrage de l’histoire à avoir représenté le Guatemala sur la Croisette, Nuestras madres marque aussi les débuts dans la cour des grands du cinéaste belgo-guatémaltèque César Diaz. Sa première œuvre a entamé un brillant parcours cannois l’an dernier, en décrochant la convoitée Caméra d’or, mais aussi le Prix SACD et le Grand Rail d’or à la 58e Semaine de la Critique. Pas gagné pour un récit qui fouille les ombres d’une nation meurtrie, et qui révèle avec délicatesse, sans esbroufe ni coup de force stylistique, les restes des disparus d’un génocide inscrit dans l’ADN de son peuple.
L’émotion naît progressivement de l’enchaînement de scènes simples et pourtant denses, entre l’ouverture et le final, centrés sur la reconstitution d’un corps, avec une précision scientifique saisie en plongée, et dont la simplicité laisse surgir la vibration humaine. Entre les deux, le réalisateur articule le double mouvement d’un jeune anthropologue dédié à sa mission professionnelle, mais aussi travaillé par sa détermination personnelle. Un travail d’identification des ossements des êtres balayés par la folie assassine. Une quête de la paternité et de la filiation aussi, qui devient le symbole puissant de tout un pays.
En manque de père, et en lien viscéral avec sa mère, le héros avance, défriche, exhume, écoute et accompagne les défunts comme les survivantes. Les femmes résilientes d’un territoire oublié du monde et des médias. Des anonymes à qui l’honneur est rendu par des gros plans emplis d’un silence qui en dit long. En formant un duo bouleversant avec les acteurs mexicains Armando Espitia et Emma Dib, Diaz célèbre la terre d’où il vient, mais aussi le socle commun à l’humanité : la dignité. Celle-ci peut enfin s’épanouir, de confession dans un tribunal en aveux souterrains sur le sable, face à une autre immensité, celle de l’océan.