De l’Angleterre victorienne compassée du roman lesbien de Sarah Waters, Park Chan-wook passe à la Corée corsetée sous joug japonais des années trente. Cet autre pays et cet autre temps n’altèrent pas l’étoffe du romanesque, dans les plis de costumes mêmement anciens. Mademoiselle fait remonter d’un cinéma d’époque des amours saphiques sophistiquées, closes sur les règles strictes et raffinées d’une demeure grand-bourgeoise ordonnée par un homme riche, sévère, lettré, épris du Marquis de Sade. Il tient en réclusion sa nièce, au service de laquelle entre une servante faussement ingénue. Une passion retenue les consume de l’intérieur et érotise chaque frôlement, chaque regard, chaque soupir. Mademoiselle pourrait n’être que ça : une romance lesbienne brûlant de désir, de plaisir, de folie. Mais c’est un thriller saphique et sadique, aussi exquis qu’un cadavre, jouant de noirceur, de cruauté. Un récit de mensonges et de duplicité, manipulant les protagonistes autant que les voyeurs du film tapis dans l’ombre, guettant les bruits derrière la porte, les murmures, les souffles, les étreintes. Une violence d’une absolue élégance referme son piège tendu par les faux-semblants et les apparences. Park Chan-wook nous trompe et nous séduit, absolument.