Ma vie avec Liberace
En 1989, il avait 26 ans et remportait une Palme d’or pour son tout premier film, Sexe, mensonges et vidéo. Nombreux se seraient assis sur leurs lauriers après une telle entrée en matière, mais Steven Soderbergh, depuis, n’aura plutôt eu de cesse d’inventer, d’expérimenter, de se mettre en danger en visitant et en redéfinissant genres et styles. Parmi eux, le biopic devenu, sous son œil, expressionniste dans Kafka, héroïque dans Erin Brockovich, révolutionnaire dans Che et aujourd’hui amoureux dans Ma vie avec Liberace, récit de la romance secrète mais folle qui dura 6 ans au courant des années 1970-1980 entre le pianiste kitschissime et son jeune amant. Si la patte soderberghienne s’y reconnaît facilement (travellings souples, mise en scène dynamique, photo jaune et sensuelle), Liberace montre aussi qu’en terre Soderbergh, rien n’est moins simple qu’une histoire d’amour. Humaine, complexe, vaniteuse, incarnée, elle permet en effet au cinéaste aux multiples talents de réussir là où les Sorrentino et Coppola ont échoué : montrer ce que l’univers des riches et célèbres peut avoir de plus obscur, de plus destructeur, de plus hypocrite. Mais, comme chez Kechiche, cette apparente simplicité servant un propos riche tient aussi, et surtout, grâce à deux acteurs incroyables de présence et de justesse : Michael Douglas, flamboyant et étonnant, et Matt Damon, jouant avec une conviction rare cet amant d’abord naïf, puis vampirisé par cet univers superficiel. Et si pour son dernier film, Soderbergh avait tout simplement voulu offrir son Boogie Nights à son acteur chouchou ?