Jean-Pierre Jeunet adapte en anglais et en 3D sublime le roman illustré de Reif Larsen, L’Extravagant Voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet. Sur fond d’Amérique mélancolique, cette épopée gracieuse séduit par sa beauté, son sens aigu de la fantaisie et le raffinement de son dispositif.
C’est le récit d’une échappée aux allures d’aventures dont rêvent les enfants. Celle de T.S. Spivet, jeune prodige de 12 ans passionné par la cartographie et les illustrations scientifiques, le conduit à traverser les Etats-Unis, depuis son ranch du Montana jusqu’à Washington D.C. Dans un train de marchandises, sur les routes, en camion, le garçonnet clandestin s’en va recevoir, à l’insu de ses parents, le prestigieux prix Baird pour sa remarquable invention de la machine à mouvement perpétuel. Car le tout jeune T.S. appartient à ces esprits supérieurs capables de percevoir les mécanismes intrinsèques à leur environnement et d’en représenter le fonctionnement. Des gestes du quotidien au vol des insectes alentour, tout fait l’objet d’études analytiques et de descriptions minutieuses.
Sur la base de ce récit, illustré dans ses marges par les croquis de T.S. dans la belle édition Nil, le réalisateur du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain et Micmacs à tire-larigot déploie un ingénieux dispositif en 3 dimensions. Ainsi, les pensées et représentations de son jeune héros peuplent-elles un espace mental déployé dans une 3D inventive et somptueuse. La nature, que Jean-Pierre Jeunet appréhende foncièrement pour la première fois à l’écran, se fait le théâtre de micro-événements.
Car cet Extravagant Voyage installe son émotion sur un récit au tempo lent qui fait la part belle aux détails visuels et aux sentiments rentrés. Il est là question de déplacements géographiques et de sentiments mouvants, d’un enfant qui grandit, fait l’expérience de la perte, du deuil, de la culpabilité et du pardon, et se réfugie dans ses astucieuses trouvailles et le jeu de l’observation continue – jusque dans l’analyse des relations entre les siens. Quelle jolie idée que ce croquis figurant la circulation des regards parents-enfants lors des repas familiaux !
C’est que T.S. est aussi et surtout l’histoire d’une famille gagnée par le chagrin qui retrouvera son étincelle vivace au terme d’une vaste pérégrination. Jean-Pierre Jeunet accompagne le cheminement de son petit héros et des siens en lisière, et traque, avec une sidérante minutie, chaque source d’émerveillement susceptible de jaillir, en deux ou trois dimensions, de leur trajectoire. Son épopée est d’une beauté somptueuse et d’un raffinement remarquable.