L'Expérience Blocher
« En faisant L’Expérience Blocher, je voulais m’approcher de ce qui m’inquiète, de ce qui me fait peur. » Ainsi Jean-Stéphane Bron décrit-il son portrait d’un homme méconnu en France et omniprésent en Suisse : le leader nationalo-populiste Christoph Blocher. A la tête de l’UDC, Union Démocratique du Centre qui réunit un tiers de l’électorat helvète, ce phénomène né en 1940 défend une vision très éloignée du titre de son parti : le pouvoir de l’argent, le trust des médias, la manipulation des frustrations, la stigmatisation de l’étranger. Il a même soutenu l’Apartheid. Le cinéaste a compris que pour approcher un être à l’antipode de son rapport au monde sans se faire avoir par son charisme oratoire, il faut user de son art : la mise en scène. Appuyé par sa voix-off évoquant ses doutes, il déroule son film tel un conte horrifique sur le glissement insidieux de l’Europe vers le nationalisme généralisé. Il enserre aussi Blocher dans un strip-tease existentiel. Celui d’un homme élevé sur le terreau de la revanche (son père pasteur fut chassé de sa paroisse) et sur l’autel du passéisme (son rêve ultime : se faire consoler sur le banc du jardin de son enfance). Le spectateur observe le milliardaire confiné dans son luxe et prisonnier de son musée-mausolée des toiles d’Albert Anker, miroir de ses obsessions. Et Bron offre en creux un reflet peu flatteur mais salvateur de l’état de son pays et confirme, après Le Génie helvétique et Cleveland contre Wall Street, sa force de frappe.