Présenté en séance spéciale hors compétition au dernier Festival de Cannes et lauréat du Prix Jean Vigo 2016, La Mort de Louis XIV, film très beau et singulier d’Albert Serra, contient dans son titre l’ambition qui est la sienne. Et Jean-Pierre Léaud dans le rôle du monarque mourant est simplement prodigieux. Louis/Léaud : quelle belle idée ! Cela fait quelque temps déjà que l’acteur trufaldien erre comme un fantôme dans les films de réalisateurs enfants ou petits enfants de la Nouvelle Vague. Dès qu’Assayas et Belvaux en leur temps, Le Péron, Lvovsky, mais aussi Tsaï Ming Liang et Aki Kaurismaki le convoquent, son histoire de cinéma se déplace avec lui, l’enveloppant d’un doux manteau de souvenirs cinéphiles. Tout cela, forcément, nourrit inconsciemment les films et rend ses apparitions spéciales. Ici, Jean-Pierre Léaud est de tous les plans : figure absolue du roi emperruqué au seuil de son trépas, gisant dont les traits se creusent et le souffle se raréfie. Léaud, on l’a connu petit, galopin effronté des 400 Coups, le passé d’enfant roi de Louis sur l’écran est donc inscrit, organique. Au bout du compte, le film raconte aussi un visage dont le cinéma depuis soixante ans (son premier film, La Tour prends garde ! de Georges Lampin date de 1957) a enregistré les mouvements et les changements. Et c’est si beau qu’on en pleurerait. Albert Serra (Le Chant des oiseaux) entoure son monarque de courtisans compassés et de médecins dépassés, c’est tragiquement ironique. Et la lumière s’estompe peu à peu.