La Marche
C’était il y a trente ans. Déjà. Partis des Minguettes, une poignée d’adolescents – qu’on ne disait pas encore « Beurs » – et un curé ont entamé une marche pacifique de deux mois, traversant la France du Sud au Nord « pour l’égalité et contre le racisme ». Après Les Barons, Nabil Ben Yadir s’attaque à une histoire vraie dont la fin est restée dans nos mémoires : un gigantesque rassemblement qui, le 3 décembre 1983, a réuni sous des banderoles 100.000 personnes à Montparnasse, puis la rencontre à l’Elysée des initiateurs du projet avec François Mitterrand. Il reprend au début, pour montrer une réalité oubliée, celle des ratonnades et crimes racistes, celle aussi d’une jeunesse bigarrée qui n’était ni dans la revanche, ni dans le repli communautaire. Des neuf protagonistes (sur une trentaine en réalité) qu’ils ont choisi de nous faire suivre, le réalisateur et sa coscénariste Nadia Lakhdar, font des personnages à part entière, hommes et femmes, Français de souche ou nés de parents immigrés, avec leur propre histoire, les conflits et différences qui les traversent, les aspirations qui les réunissent. Des acteurs formidables leur apportent corps et âme, des moins connus (Tewfik Jallab ou M’Barek Belkouk, parfaits) aux plus reconnus (Olivier Gourmet, sensationnel en curé, Djamel Debbouze, hilarant en drogué rédempté et bégayant). Ils existent tous et contribuent à cette mosaïque humaine dont la beauté est toujours bonne à rappeler. Quelques redondances sur la fin et une volonté un peu trop affichée de passer un message n’empêchent pas La Marche d’être un beau film digne et juste.