La Crème de la crème
On peut s’étonner a priori de voir Kim Chapiron prendre pour décor de son troisième long-métrage une des meilleures écoles de commerce de France. Après Sheitan (2006), conte horrifique gore, sexe et grand-guignol, et Dog Pound (2010), plongée sidérante dans la violence d’une prison pour délinquants juvéniles, le voilà dans l’univers des étudiants en économie qui formeront l’élite de demain, les futurs rois du monde. Si la couleur très lumineuse de La Crème de la crème tranche avec ses œuvres précédentes, plutôt portées sur le sombre, le sujet comporte son comptant de rapports de forces, d’initiation, de manipulation, de sexe… Et l’éternelle question des bourreaux et des victimes. Soit deux garçons et une fille qui appliquent la loi du marché aux rapports sexuels en jetant une blonde prépayée dans les bras de leur copain au physique ingrat, lors d’une fête, pour lui lancer une réputation – et générer ainsi de l’offre et de la demande. Conséquence induite : ce trio infernal met en branle un réseau de prostitution redoutable. Dialogues brillants (Kim Chapiron cosigne le scénario avec un nouveau venu très doué, Noé Debré), mise en scène efficace (les soirées homériques, les glissades dans le couloir), cette comédie grinçante fait rire jaune et donne à voir un portrait effrayant et juste de la génération 2.0. Dommage que l’écriture perde en force vers la fin, mais Chapiron s’impose définitivement comme un metteur en scène à suivre et ses jeunes acteurs sont de la graine de géants : ils s’appellent Alice Isaaz, Thomas Blumenthal et Jean-Baptiste Lafarge.